Et maintenant, cap au large pour Obama

La défaite des démocrates lors des midterm ne compromet pas la réélection de Barack Obama, dans deux ans, mais plombe la poursuite des réformes. Du coup, le président va pouvoir se consacrer à la politique internationale.

Après son échec aux midterm, Barak Obama va pouvoir se consacrer à la politique étrangère. © AFP

Après son échec aux midterm, Barak Obama va pouvoir se consacrer à la politique étrangère. © AFP

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 14 novembre 2010 Lecture : 5 minutes.

Barack Obama l’a sportivement reconnu. Lors des élections de la mi-mandat, le 2 novembre, les démocrates ont reçu une « raclée ». Il y a deux ans, ils avaient infligé une défaite sans appel au Parti républicain en remportant la Maison Blanche et la majorité dans les deux Chambres du Congrès. Cette fois, les républicains l’ont emporté à la Chambre des représentants grâce au basculement d’une soixantaine de circonscriptions, mais ont échoué à prendre le contrôle du Sénat, bien qu’ayant conquis six sièges supplémentaires. Une manche partout.

On connaît les raisons de ce désamour à l’endroit du camp présidentiel. Les Américains ont très mal vécu qu’Obama ne soit pas parvenu à les tirer plus vite de la crise. Le taux de chômage actuel – 9,6 % – apparaît comme insupportable à une nation habituée à se remettre à toute allure des récessions. L’électorat blanc, âgé et issu de la classe moyenne a oublié que la crise avait été préparée par George W. Bush et le camp républicain. Mais aussi qu’Obama a tenu un nombre respectable de ses promesses de campagne : protection sociale, retrait des troupes américaines d’Irak, encadrement de Wall Street…

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Populisme d’extrême-droite

Dans son désarroi, il est devenu fondamentaliste et a prêté l’oreille au charivari des Tea Parties, ces populistes d’extrême droite qui prétendent représenter les « vrais gens » contre les politicards de Washington. Tout au long de la campagne, les Tea Parties ont martelé leur volonté de restreindre le rôle de l’État, de réduire impôts et déficits, mais aussi de démolir le système de sécurité sociale difficilement mis en place par Obama. Parce qu’ils le considèrent comme une insoutenable intrusion dans la vie des Américains !

Les outrances des Tea Parties leur ont coûté la spectaculaire victoire qu’ils escomptaient dans le Nevada, où Harry Reid, le patron des sénateurs démocrates, a écrasé Sharron Angle, leur héroïne. Mais, symboliquement, le siège de sénateur de l’Illinois, naguère détenu par Obama, est passé aux républicains, confirmant la grande désillusion d’une part notable de son électorat.

Car pendant que les indépendants basculaient à droite, les partisans du président (jeunes, femmes, intellectuels, ouvriers, minorités ethniques) ont eu tendance à se démobiliser. Parce que les nécessaires compromis législatifs ont affadi ses réformes et douché l’enthousiasme suscité par son élection. Obama l’a d’ailleurs reconnu : « À l’évidence, trop d’Américains n’ont pas senti les progrès réalisés jusqu’ici et c’est ce qu’ils nous ont dit. En tant que président, j’en assume la responsabilité. »

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La déroute démocrate aura d’importantes conséquences. Les réformes souhaitées par Obama en matière de lutte contre le réchauffement climatique, de régularisation des sans-papiers ou de désarmement nucléaire avec les Russes ont peu de chances de voir le jour, en raison de l’opposition farouche des républicains. La Maison Blanche risque d’être mise au chômage et devra même opposer son veto aux tentatives républicaines d’empêcher la mise en place du système de sécurité sociale. D’autre part, la dizaine de sièges de gouverneur qu’ils ont remportés mettront les républicains en bonne position pour préparer un redécoupage électoral dans la perspective des législatives de 2012.

Du Moyen-Orient  à la Corée

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La situation n’est pourtant pas si sombre. Paralysé sur la scène intérieure, Obama va pouvoir se consacrer aux dossiers les plus brûlants sur la scène internationale : Moyen-Orient, Iran, Afghanistan, Corée du Nord… Tout progrès, toute affirmation de son leadership sera mis à son crédit, même si les enjeux internationaux comptent peu dans les votes des Américains.

Au Capitole, les étoiles montantes des Tea Parties, comme Rand Paul ou Marco Rubio (voir page suivante), vont, à leur tour, être mises à l’épreuve. Comme le dit la politologue Kathleen Parker (sur CNN), « jusqu’à présent, ils se sont montrés plutôt naïfs ; maintenant, ils vont être confrontés à la réalité ».

Il a été facile aux Tea Parties de prôner une baisse générale des dépenses, mais dans quel budget proposeront-ils de tailler sans s’aliéner une foule d’électeurs ? Il était populaire de s’opposer aux exonérations d’impôts, mais comment expliquer le maintien de celles dont bénéficient les 2 % des contribuables les plus riches, qui amputent de 700 milliards de dollars un budget fédéral en grande difficulté ?

Comme tous ses prédécesseurs désavoués à mi-mandat, Obama a le choix entre deux stratégies : l’affrontement ou la phagocytose.

Clinton plutôt que Bush

La première option fut celle de Harry Truman (démocrate), de Ronald Reagan et de George W. Bush (républicains), qui persévérèrent contre vents et marées et décrochèrent un second mandat. D’autant que, dans l’hypothèse d’une paralysie totale du gouvernement, le président a toujours la possibilité d’en faire porter le chapeau à l’opposition.

La seconde est celle de Bill Clinton. Elle consiste à choisir dans le programme adverse un certain nombre de projets acceptables, de les mener de concert avec l’opposition et de… s’en attribuer le mérite. Les coups de téléphone qu’il a passés aux leaders républicains, le représentant John Boehner et le sénateur Mitch McConnell, pour leur proposer de travailler ensemble pour le bien du pays, prouvent qu’Obama a choisi la voie du dialogue et de la main tendue – ce qui correspond d’ailleurs à son tempérament.

En fait, les deux camps ont déjà en ligne de mire la présidentielle de 2012, qui constituera la belle du match engagé entre Obama et les républicains. Le président ne part pas avec un handicap considérable. En dépit de son récent échec, sa popularité est quasi intacte. À preuve, seules 37 % des personnes interrogées déclarent avoir voté contre Obama lors des midterm.

Le président a de la chance, s’amuse Jacques Attali, l’ancien conseiller de François Mitterrand à l’Élysée : « Il ne pourra plus rien faire à cause de l’obstruction systématique que vont pratiquer les républicains aiguillonnés par les Tea Parties. Pour lui, ce sera la meilleure façon de ne plus se faire d’ennemis. Et d’être réélu en 2012. »

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