Président et chef de chantiers
Stades, routes, hôpitaux… Depuis août, Andry Rajoelina multiplie les promesses. De quoi se donner une image d’homme providentiel. Et présidentiable ?
Depuis trois mois, à chacun de ses déplacements, c’est la même rengaine : c’en est fini du temps des marchandages politiciens. Place désormais aux actes ! Dans le Sud, dans le Nord, à Antananarivo, Andry Rajoelina, le président de la Haute Autorité de transition (HAT), l’assure à coups de premières pierres et de petits cadeaux « directement bénéfiques au peuple » – et à son image, quelque peu écornée depuis qu’il a pris les rênes du pays en mars 2009. Ainsi le voit-on, lors de ses sorties, haranguer les foules et multiplier les annonces, accompagné de son épouse, la belle Mialy, et suivi d’une kyrielle de ministres réduits à de simples faire-valoir.
Les ministres font la moue
La liste des promesses donne le tournis. Elle s’ouvre le 7 août à Maintirano, une petite ville enclavée de la côte ouest, où Rajoelina annonce la construction imminente d’un nouvel hôpital et d’un institut universitaire. Le 2 septembre, dans un quartier de la capitale, il pose la première pierre d’un théâtre destiné à devenir « le plus grand de l’océan Indien ». Deux jours plus tard, lui et son épouse sont ovationnés à Ambatondrazaka, le grenier à riz du pays. Le stade sera pourvu d’un terrain synthétique, annonce-t-il, et la route nationale sera réhabilitée… « On jurerait qu’il est en campagne », ironise alors un journaliste.
Depuis, les annonces se sont poursuivies. À Antsiranana, dans le Nord, c’est un complexe sportif olympique, une maison des jeunes et un hôpital qui verront le jour « dans les six mois ». À Morondava, sur la côte ouest, ce sera un nouvel hôpital et une nouvelle route. À croire que l’argent coule à flots…
Ce n’est pourtant pas le cas. Les recettes fiscales ont chuté en 2010, et l’aide internationale est toujours suspendue. Seule lueur d’espoir : l’acompte de 72 millions d’euros versé en juin par le consortium chinois Wisco en vue de l’exploitation de la mine de fer de Soalala.
Ces 72 millions, directement inscrits au budget de la présidence, Rajoelina veut les dépenser au plus vite. Le 21 juillet, il annonçait à ses ministres que désormais « toutes les dépenses publiques [devaient] être réorientées vers des projets visibles et palpables » qui devront être réalisés avant la fin de la période de transition (comprendre : avant la présidentielle de mai 2011). Les ministres font la moue : leurs portefeuilles fondent comme neige au soleil (– 44 % en moyenne). Celui de la présidence, lui, explose : ses crédits initiaux étaient dotés de 24 millions d’euros ; ils sont passés, d’un coup, à 96 millions.
Démagogie
Cette course à l’inauguration laisse perplexe. Dans les régions, on attend le début des travaux. À Ambatondrazaka, par exemple, Rajoelina avait annoncé le 4 septembre que le chantier du nouveau stade débuterait « d’ici à un mois ». Fin octobre, rien n’avait été fait. De quoi alimenter les critiques de l’opposition, qui parle de « démagogie ». Les observateurs étrangers s’interrogent sur l’efficacité d’une telle stratégie. « Construire des hôpitaux, c’est bien, mais encore faut-il les faire fonctionner. L’existant est très démuni », note un fonctionnaire international. Quant aux stades, « c’est un bon lieu pour faire des meetings », s’amuse-t-il.
Comme d’autres, il soupçonne Rajoelina de vouloir « tirer la couverture à lui » en vue de la prochaine présidentielle. « On ne sait plus trop ce qu’il compte faire », avoue un diplomate européen. En mai, il avait assuré au cours d’une déclaration solennelle qu’il ne serait pas candidat. Mais la proposition d’une nouvelle Constitution, qui sera soumise aux Malgaches lors d’un référendum le 17 novembre, a instauré le doute : l’âge légal pour se présenter, auparavant fixé à 40 ans, a été abaissé à 35 ans. Rajoelina en a 36.
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