Présidentielle : Abidjan, après la bataille
Avec un tiers de l’électorat, la capitale économique pèse lourd dans la balance. Au détriment de Bédié : son parti est en perte de vitesse. Au profit de Gbagbo : en tête dans la plupart des communes.
Gbagbo – Ouattara : le choc
Autoproclamée « capitale de la joie », la commune populaire de Yopougon, à Abidjan, n’a jamais été aussi inquiète qu’en ces jours tendus d’annonce au compte-gouttes des résultats de la présidentielle. Mardi matin, Yannick et ses amis, qui tuent leur ennui en conversant devant un étal où l’un d’entre eux vend des téléphones mobiles d’occasion, n’ont pas l’esprit tranquille. « Dans mon quartier, la tension est forte, tout le monde s’épie », souffle le jeune homme.
Yopougon, énorme cité volontiers frondeuse, est un fief traditionnel de Laurent Gbagbo. « C’est nous qui l’avons mis au pouvoir en octobre 2000, en prenant la tête de la révolte contre le général Gueï. C’est Yopougon qui fait Gbagbo. Nous sommes toujours les premiers à descendre dans la rue pour lui », ajoute-t-il avec fierté.
Une avance de 150 000 voix pour Gbagbo
Ici, une grande partie des jeunes s’identifie au président sortant, considéré comme un « woody », un homme courageux et proche du peuple, qui mange avec les doigts et danse au rythme du zouglou. À l’issue du premier tour, Gbagbo est en tête à Yopougon, avec 51 % des voix. « Trop peu », peste Marcel, la vingtaine, sous le regard goguenard de Philippe, sympathisant de Bédié. Philippe dit – mais pas trop fort – qu’il votera au second tour pour Ouattara, qui possède ici des bastions assez « consistants » dans des quartiers déshérités comme Wassakara, rendu populaire par un slam de Billy Billy, un chansonnier local qui s’est affiché aux côtés de l’ex-Premier ministre durant la campagne électorale.
Dans les faits, la remuante métropole abidjanaise, terre de mangrove serpentant entre des eaux lagunaires, a permis à Gbagbo – en tête avec 44,3 % des suffrages – d’avoir une avance de près de 150 000 voix sur son adversaire du second tour. Mais Yopougon, gigantesque et surpeuplé, a été « battu », en pourcentages, par la sage et bourgeoise commune de Cocody, symbole de la classe moyenne née au temps de l’houphouétisme triomphant. « Je savais que nous étions en perte de vitesse à Abidjan. C’est la faute des barons du parti : des aristocrates, éloignés des réalités de la jeunesse. Mes jeunes cousins qui sont à l’université viennent me démarcher pour voter Gbagbo en dépit de nos traditions familiales », déplore Annick, jeune maman âgée d’une trentaine d’années, qui travaille pour une PME spécialisée dans l’audiovisuel, fidèle au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). À la Riviera Golf, son quartier, où les propriétaires d’appartements sont souvent des retraités nostalgiques du « temps d’Houphouët », les enfants ont rarement voté comme leurs parents.
ADO à Treichville, Adjamé et Abobo
Port-Bouët, commune abritant l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny, était considéré comme un bastion imprenable du parti créé par le « Vieux ». Mais à Port-Bouët, et à Koumassi, commune voisine dirigée par un maire issu du PDCI, Gbagbo est aussi en tête.
À Treichville, vieux quartier aux ruelles sinueuses et aux façades défraîchies où s’est mené le combat de la décolonisation – et jusque-là dominé par le PDCI –, c’est le Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Dramane Ouattara (ADO) qui arrive en tête. Comme à Adjamé, où se trouve le principal marché de la ville. Et à Abobo, vaste commune à forte concentration de populations originaires du Nord, où de nombreux affrontements opposant militants pro-ADO et forces de l’ordre ont dégénéré depuis une dizaine d’années. Ici se trouve une forte concentration de la jeunesse anti-Gbagbo, active et décidée.
Khalil, 25 ans, étudiant en licence professionnelle de communication, fait partie de cette jeunesse-là. C’est une photo de campagne de Ouattara qui illustre son profil Facebook. Khalil croit aux qualités de gestionnaire de l’ancien directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI). Mais il voit aussi en lui un symbole identitaire. « Après avoir travaillé pour le pays, il a été qualifié d’étranger. Avec lui, et par extension, tous les nordistes étaient visés. Du coup, ils se sont identifiés à lui », explique-t-il. Avec 33,1 % des voix, Ouattara est en léger recul par rapport aux élections départementales de juillet 2002. Le RDR était parvenu à cumuler 34 % des suffrages, face à une coalition des partis de Gbagbo et de Bédié.
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