Jean-Luc Raharimanana, bâtisseur de mémoire

Dans sa dernière pièce, « Des ruines », l’auteur malgache revient sur le passé, de l’esclavage aux indépendances, pour mieux construire l’avenir du continent.

Jean-Luc Raharimanana (à g.) et Thierry Bedard, le 19 juillet. © Capture d’écran

Jean-Luc Raharimanana (à g.) et Thierry Bedard, le 19 juillet. © Capture d’écran

Publié le 5 novembre 2010 Lecture : 2 minutes.

Colère, rage, violence… traversent les œuvres de Jean-Luc Raharimanana. Pourquoi ? L’auteur malgache, 43 ans, interroge à son tour : « Être né et avoir grandi sous une dictature peut-être ? La colonisation ? L’histoire violente du pays ? La pauvreté du pays ? La misère ? J’ai bien quelques raisons, non ? » Des raisons qu’il partage dans Nour, 1947 et Madagascar, 1947, en racontant notamment la répression de l’insurrection malgache par la France colonisatrice.

Sa douleur ne se limite pas à l’histoire de la Grande Île. Dans Des ruines… La liesse et l’oubli, premier texte écrit en résidence au Blanc-Mesnil (région parisienne), la plume révoltée sillonne l’Afrique : de l’esclavage aux indépendances, en passant par la colonisation, les massacres et les génocides… Diverses époques pour une seule unité de temps : hier. « Parce qu’hier n’est jamais loin quand on n’oublie pas », justifie l’écrivain. Sombre constat : les horreurs et injustices du passé se répètent à l’infini. Dans un bal cynique.

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C’est l’humoriste congolais Phil Darwin Nianga qui donnera vie au monologue, mis en scène par Thierry Bedard. « Je transmets les messages avec beaucoup plus de légèreté dans mon one-man-show. C’était intéressant pour moi d’essayer de toucher les gens autrement et de dire les choses de façon dramatique. » Phil Darwin a déjà travaillé avec Jean-Luc Raharimanana et Thierry Bedard pour Les Cauchemars du gecko – pièce controversée en 2009 lors du Festival d’Avignon. Selon Jean-Luc Raharimanana, certains spectateurs se sont sentis « culpabilisés » par la mise en scène frontale, car le texte renvoie « sans détour l’Occident face à ses crimes, face à ses responsabilités actuelles ». Face aux ruines.

Des ruines qui seraient bien différentes si avaient vécu Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Ruben Um Nyobe, Richard Ratsimandrava, Sylvanus Olympio ou Mehdi Ben Barka. « Je ne pense pas seulement à ces noms illustres, confie Jean-Luc Raharimanana. Je pense à toutes les personnes tuées dans les guerres coloniales, tuées sous les dictatures, emprisonnées aujourd’hui, cassées. L’Afrique est amputée des hommes et des femmes qui auraient pu lui donner un autre destin. »

Mais tout n’est pas perdu. Bien au contraire. « Dans Des ruines, il y a l’homme noir qui crie sa haine, mais aussi l’homme noir qui ne veut plus se voir comme victime, qui veut avancer », commente Phil Darwin Nianga. Et Jean-Luc Raharimanana de conclure : « Malgré ces siècles d’esclavage, de colonisation et de dictature, l’Afrique est toujours debout. Oui, sur les ruines, nous sommes magnifiques, l’Afrique est magnifique, et c’est ce qui la sauvera, cette espérance en elle… » 

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Des ruines, de Jean-Luc Raharimanana, avec Phil Darwin Nianga, mise en scène de Thierry Bedard ; en tournée : le 5 novembre à Nantes, le 10 novembre au Blanc-Mesnil, le 21 avril à Saint-Nazaire.

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