Maghreb : bienvenue à bord de la galère Emploi
Manque de confiance des employeurs, agences de placement inefficaces, pénurie de débouchés en rapport avec leur formation… les nouveaux arrivants sur le marché du travail ne sont pas gâtés.
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Au Maghreb comme ailleurs, il ne fait pas bon être jeune sur le marché du travail. Dans un rapport paru en août dernier (« Global Employment Trends for Youth »), l’Organisation internationale du travail (OIT) en fait le triste constat : en 2009, 81 millions de jeunes chômeurs (de 15 ans à 24 ans) ont été recensés dans le monde. Du jamais vu, selon l’OIT. Et le Maghreb, qui concentre près de 4 millions de jeunes demandeurs d’emploi, fait l’objet de prévisions à court terme plutôt pessimistes : « Le niveau de chômage des jeunes devrait poursuivre sa tendance haussière – en 2010 et 2011 – en Afrique du Nord et au Moyen-Orient », contrairement aux autres régions du globe. Et ce alors que le Fonds monétaire international (FMI) table pourtant sur une croissance comprise entre 2 % et 5 % en 2010 et 2011 pour l’Algérie, le Maroc et la Tunisie…
Pour Abdelilah Jennane, directeur exécutif de Diorh, un cabinet marocain de conseil en ressources humaines, cette situation illustre « la faillite du système éducatif, au Maroc comme chez ses voisins du Maghreb, qui ne forment pas des profils adaptés au marché du travail ».
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la moitié des bacheliers tunisiens se dirigent vers la filière sciences humaines, alors que 50 % des diplômés de ce secteur n’ont toujours pas trouvé de travail au bout de trois ans. « Certains diplômés ne peuvent pas se prévaloir de compétences échangeables sur le marché de l’emploi, du fait de formations trop spécifiques ou trop décalées, en lettres, en langues, en droit ou en sciences humaines », confirme Hicham Lakhmiri, directeur général d’Amaljob.com, un portail marocain de recrutement.
L’éternelle débrouille
Ce n’est donc pas tant la qualité de l’enseignement qui est mise en cause que la déconnexion de la sphère éducative d’un marché du travail désormais soumis aux impératifs de l’économie de marché. Jusque dans les années 1990, le chômage des jeunes n’était pas aussi préoccupant qu’aujourd’hui. Désormais, « l’insertion des jeunes diplômés constitue une problématique complexe et assez embarrassante pour ces pays, qui les ont formés et sont dans l’incapacité de leur proposer un emploi », constate Jean-Paul Barbier, membre du Bureau international du travail à Genève, au département « analyse de l’emploi ». Circonstance aggravante, les primoarrivants sur le marché du travail, inexpérimentés, pâtissent d’une forme de défiance de la part des employeurs. Ces derniers leur préfèrent des personnes ayant déjà fait leurs preuves, même quand leur profil ne correspond pas à 100 %, voire des expatriés. « En Algérie, le marché croît rapidement, explique Djaffer Louaï, directeur associé du site Emploitic.com. Les entreprises ont donc des besoins urgents en termes de ressources humaines et sont donc moins enclines à recruter des jeunes qu’il faudra former en interne. »
Sur place, c’est le système de la débrouille qui s’impose. Mehdi, un Algérois de 25 ans, diplôme d’aide-comptable en poche, raconte ainsi son expérience : « À la sortie de l’école, je me suis inscrit à l’Anem [Agence nationale pour l’emploi]. Je suis resté environ sept mois au chômage avant de trouver par mes propres moyens un poste non déclaré, sans rapport avec ma qualification, comme caissier dans une entreprise de prêt-à-porter. J’ai ensuite été agent commercial dans une boîte de publicité, pendant huit mois. » Ironie du sort, il est aujourd’hui employé – et toujours non déclaré – au sein d’une agence privée qui aide les demandeurs d’emploi.
Création d’entreprise
L’expérience de Mehdi est révélatrice d’un autre handicap. Dans cette course au premier job, les services publics de l’emploi ne sont que d’un recours assez limité. Pour Hicham Lakhmiri, l’Agence marocaine pour l’emploi (Anapec) « traîne une mauvaise image auprès du grand public », qui considère que les « moyens font souvent défaut et [que] le conseil est inexistant ». De son côté, Djaffer Louaï estime que « l’Anem – l’agence algérienne – gagnerait à s’informatiser davantage, même si elle a modernisé et rendu ses agences plus accueillantes ».
Peinant à assurer l’intermédiation entre postulants et offres d’emplois qualifiés, les services publics – particulièrement en Algérie et en Tunisie – ont développé des dispositifs d’aide à la création d’entreprise. Une option qui, par nécessité plus que par choix, peut s’imposer aux postulants quand le recrutement par internet, les salons professionnels ou le bon vieux piston s’avèrent infructueux.
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