Et si les Tea Parties faisaient le jeu de Barack Obama ?

Le phénomène ultra-conservateur et réactionnaire des « Tea parties » qui s’est levé en 2009 pourrait, par ses excès et ses extravagances, favoriser le camp démocrate mené par Barack Obama lors des élections de la mi-mandat qui ont lieu le 2 novembre aux États-Unis.

Christine O’Donnell, candidate républicaine à un siège de sénateur dans l’Etat du Delaware. © AFP

Christine O’Donnell, candidate républicaine à un siège de sénateur dans l’Etat du Delaware. © AFP

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 1 novembre 2010 Lecture : 5 minutes.

Enfin, Barack Obama contre-attaque et se décide à faire campagne – dans treize États – pour soutenir les candidats démocrates lors des midterm. Pour la première fois depuis l’élection de son mari à la Maison Blanche, Michelle Obama reprend du service comme « Maman en chef » : d’ici au scrutin du 2 novembre, elle participera à neuf réunions électorales, dans six États. Quant à Joe Biden, le vice-président, il sillonne le pays pour remonter le moral des troupes démocrates – qui, certes, en ont grand besoin.

Il n’était que temps. Le camp républicain se voyait déjà reprendre, comme en 1994, la majorité dans les deux Chambres. Au plus bas dans les sondages au mois d’août, les démocrates reprennent du poil de la bête. Début octobre, leurs adversaires les devançaient de six points (49 % contre 43 %) dans un sondage Washington Post-ABC News. Quinze jours plus tard, selon Reuters-Ipsos, l’écart n’était plus que de quatre points (48 % contre 44 %). Malgré cette lente remontée, la majorité des analystes prédisent aux « Bleus », comme on appelle ici les démocrates, une défaite à la Chambre des représentants, mais pas au Sénat. Il y a quatre ans, à la même période, ils surclassaient les républicains (les « Rouges ») de douze points.

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Le revirement de l’électorat, qui, en 2008, avait donné au premier président noir de l’Amérique une confortable majorité au Congrès, est mystérieux. En deux ans, Obama n’a-t-il pas tenu nombre de ses promesses ?

Il a fait adopter le principe de la fermeture du bagne de Guantánamo ; un système de santé qui assurera une couverture à, au moins, 30 millions d’Américains qui en étaient dépourvus ; et un plan de relance de quelque 750 milliards de dollars qui a permis d’éviter une grande dépression type 1929. Il a enchaîné avec une loi sur la régulation financière pour empêcher les banques de renouer avec les folies qui furent à l’origine de la crise ; puis avec le retrait d’Irak des troupes de combat. Inácio Lula da Silva, le président brésilien devenu une icône, n’a pas accompli la moitié de la tâche ingrate à laquelle s’est attelé le 44e président des États-Unis !

Sous les huées

Mais un vent mauvais s’est levé outre-Atlantique. Parce que les salariés ne sont pas habitués au chômage de masse (9,6 % de la population active) et, surtout, de longue durée. Et parce qu’ils pensaient que les milliards de dollars dépensés feraient repartir illico l’économie.

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Michelle a eu beau leur expliquer que l’arrivée de Barack à la Maison Blanche ne pouvait « tout régler d’un coup » ; ce même Barack tenter, sous les huées des républicains, de comparer ses efforts à ceux de « quelqu’un qui essaie de sortir une voiture du fossé, pendant que ceux qui l’y ont mise se moquent de lui depuis la terrasse où ils dégustent des ice creams », rien n’y a fait.

Ce que l’on a appelé le phénomène des Tea Parties a, depuis 2009, bouleversé la donne. Situés à la droite des républicains, dont ils détestent les élus en raison de leurs magouilles supposées, les membres de ce mouvement extrémiste singent sans fin la révolte de la « Tea Party de Boston » lancée, à la fin du XVIIIe siècle, par les pionniers américains contre les colonisateurs anglais. Ils appellent à la rébellion contre, pêle-mêle, le « pouvoir de Washington », la bureaucratie, les impôts trop lourds et le « socialisme » d’Obama.

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Les plus excités de ces populistes vont, dans certains États du Sud, jusqu’à organiser des milices contre le pouvoir fédéral, qui, selon eux, fait le lit des communistes – ou, au choix, des cellules islamistes « dormantes ». D’ailleurs, proclament-ils de meeting en meeting, Obama « n’est pas des nôtres ». Ils sont 40 % à croire dur comme fer qu’il n’est pas américain et qu’il est de confession musulmane. En Virginie, certains types de munitions sont difficiles à trouver, les propriétaires de carabines s’étant rués chez les armuriers par crainte d’une attaque communiste – ou, au choix, islamiste.

Cette hystérie a fini par gagner les électeurs non partisans qui avaient basculé dans le camp démocrate en novembre 2007. Ceux-ci sont aujourd’hui convaincus, contre toute logique économique, que, pour faire repartir la croissance, il faut maintenir les énormes avantages fiscaux consentis aux milliardaires par George W. Bush.

La Maison Blanche a d’abord été tétanisée par cette radicalisation qu’elle ne s’expliquait pas et qui éloignait du président bien des élus démocrates, avant tout soucieux de leur réélection. Mais, depuis quelques semaines, sa tactique et celle de l’état-major démocrate semblent plus fermes.

D’abord, concentrer tous les efforts et le peu d’argent dont ils disposent – ils recevraient huit fois moins d’argent des grandes entreprises que les républicains – sur les États gagnés en 2007 (dans le Nord-Est, sur la côte Ouest et dans le Midwest). Ensuite, capitaliser sur les extravagances des plus « allumés » des Tea Parties. C’est ce que prône David Plouffe, l’ancien directeur de campagne d’Obama, qui parie que les excès d’une Christine O’Donnell, par exemple, auront un effet répulsif sur les électeurs modérés. Il est vrai que la pasionaria du Delaware, qui, lors des primaires, a réussi à évincer un vieux routier républicain comme candidat au Sénat, a avoué s’être brièvement adonnée à la sorcellerie et à l’onanisme !

Uniforme nazi

Comment faire confiance à des gens qui se déguisent en Waffen SS, comme Rich Ott, candidat républicain à la Chambre des représentants dans l’Ohio ? Des gens raisonnables peuvent-ils voter pour Sharron Angle, qui, dans le Nevada, s’oppose à Harry Reid, le leader démocrate du Sénat, en l’accusant de vouloir rembourser leur Viagra aux pédophiles et aux violeurs ?

Enfin, il s’agit de convaincre d’aller voter trois « clientèles » qui ont donné à Obama les clés de la Maison Blanche, et qui, traditionnellement, s’abstiennent lors des midterm : les jeunes, bien sûr, mais aussi les Noirs et les Latinos – quatre électeurs américains sur dix sont aujourd’hui des non-Blancs…

Le « gisement » électoral africain-américain est vital pour le président, car il lui est très majoritairement acquis (87 % d’opinions favorables), bien que la population noire paie un lourd tribut à la crise avec un taux de chômage de 16,1 %.

Au cours de la dernière semaine de la campagne, les deux camps vont jeter toutes leurs forces dans la bataille. Les républicains pour venger leur défaite de 2008 et préparer la présidentielle de 2012. Obama pour obtenir un Congrès capable d’épauler, dans la deuxième partie de son mandat, les réformes qui lui tiennent à cœur.

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