Bosco Ntaganda, le « fugitif »

La justice internationale a émis un mandat d’arrêt contre lui, mais Kinshasa refuse de le livrer. Accusé de crimes de guerre, l’ex-chef rebelle est maintenant général des Forces armées. Retour sur une affaire qui dérange.

Sur la base militire de Rumangabo (Nord-Kivu), en janvier 2009. © Walter Astrada/AFP

Sur la base militire de Rumangabo (Nord-Kivu), en janvier 2009. © Walter Astrada/AFP

Publié le 8 novembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Son existence n’est pas celle d’une bête traquée. À Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, on connaît ses habitudes. « Il se déplace au volant de son 4×4 et va souvent à Ngungu, son village natal [à 40 km de Goma, NDLR] », dit un habitant sous le couvert de l’anonymat. L’emplacement de sa maison, protégée par des barbelés et une dizaine d’hommes, n’est pas un secret. Le 5 octobre, il accordait en toute quiétude une interview à l’agence Reuters.

Le général des Forces armées de RD Congo (FARDC), Bosco Ntaganda, 39 ans, est pourtant sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) depuis 2006, pour crimes de guerre. Ancien numéro trois des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), un mouvement rebelle, il est suspecté d’enrôlement d’enfants soldats en Ituri (Nord-Est), où 50 000 personnes sont mortes entre 1999 et 2004.

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De cette époque, où il s’est illustré par sa férocité, Bosco Ntaganda a hérité d’un surnom : « Terminator ». Son visage d’adolescent et sa timidité tranchent avec la brutalité du héros hollywoodien. Mais ils sont trompeurs. « C’est un tueur », accuse un ex-chef rebelle.

Le 11 octobre, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a réitéré ses appels à l’arrestation du « criminel de guerre ». Elle avance que, depuis janvier 2010, il est impliqué « dans l’assassinat d’au moins huit personnes, les arrestations arbitraires de sept autres personnes, ainsi que l’enlèvement et la disparition d’au moins une autre personne ». La communauté internationale mentionne régulièrement le « cas Bosco » auprès de Kinshasa. « Il doit être arrêté », dit Roeland Van De Geer, l’envoyé spécial de l’Union européenne dans les Grands Lacs. Sa liberté entame la crédibilité de la CPI, mais rien n’y fait. En 2004, le président Joseph Kabila a pourtant écrit au procureur, Luis Moreno-Ocampo, le priant d’enquêter dans le pays et s’engageant à coopérer. Trois ex-miliciens originaires de l’Ituri ont été arrêtés. Ils sont actuellement jugés à La Haye.

Mauvais genre

Mais le vent a tourné. Vers 2005, Bosco Ntaganda rejoint la rébellion de Laurent Nkunda, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), dans le Nord-Kivu. L’attelage entre les deux hommes tiendra jusqu’en 2008. À cette époque, le CNDP intensifie les combats. Pour y mettre fin, Kinshasa et Kigali créent la scission en s’alliant Bosco Ntaganda, qui évince Laurent Nkunda. Ce dernier sera arrêté le 22 janvier 2009 au Rwanda.

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Un calme – tout relatif – revient dans le Nord-Kivu. Les combattants du CNDP sont amnistiés et intégrés à l’armée. Et Bosco Ntaganda de passer pour un faiseur de paix. « Il nous aide à finaliser le désarmement de certaines unités rebelles de l’ex-CNDP », dit le ministre de l’Information, Lambert Mende.

Mais, selon plusieurs sources, Bosco Ntaganda participerait au démantèlement de milices hutues dans la région (les Forces démocratiques de libération du Rwanda – FDLR) dans le cadre de l’opération Amani Leo, à laquelle la mission de l’ONU au Congo, la Monusco, apporte un soutien logistique. Qu’un ex-rebelle recherché par la CPI soit associé à une opération des Nations unies, cela ferait mauvais genre.

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Jusqu’à quand sera-t-il protégé par Kinshasa ? « Chaque chose en son temps, dit Lambert Mende. Tant que nous désarmons, nous n’arrêtons pas ». « Il met les autorités dans l’embarras », explique Anneke Van Woudenberg, chercheuse à HRW. Le « fugitif » compte des partisans parmi les ex-rebelles fraîchement intégrés à l’armée. Leur leader arrêté, ils pourraient vouloir en découdre. Considérant devoir choisir entre la paix et la justice, Kinshasa dit avoir opté pour la première. Mais pour Pascal Turlan, conseiller en coopération internationale à la CPI, « le meilleur moment pour arrêter Bosco, c’était hier, c’est maintenant ». 

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