Fatou Diome et J.A …
Écrivaine. Dernier ouvrage paru : Mauve, avec des illustrations de Titouan Lamazou (Arthaud, 2010) 42 ans, lit Jeune Afrique depuis toujours
50 ans, 50 lecteurs, 50 regards sur J.A.
Je suis une lectrice sporadique, mais j’ai grandi avec Jeune Afrique, que j’ai découvert à l’école. Senghor, Houphouët, Bongo… Toujours ces présidents en “une”, peut-être un peu trop. Mais c’est grâce à J.A. que j’ai fait la connaissance de certains chefs d’État africains, en photo avec leurs épouses lors de voyages officiels. Ce journal est un trait d’union entre les lecteurs du continent, il renforce en eux le sentiment d’être proches les uns des autres. C’est aussi un magazine qui a â¨le mérite de lever l’omerta sur certaines réalités locales. Mais à quel point est-il libre d’informer ? Et quelles sont ses perspectives ?
Un journal panafricain, aujourd’hui, plutôt que de dresser un constat stérile de la situation, doit aussi être une force de proposition. Les articles historiques, les analyses politiques, c’est important, mais ce n’est pas seulement ça qui m’intéresse en tant que lectrice. C’est d’ailleurs pareil pour la littérature : pour comprendre le passé, nous avons les livres d’histoire ; maintenant, c’est l’avenir du continent qui importe, les thèmes contemporains, les sujets qui agitent nos sociétés actuelles doivent prendre une vraie place. Par exemple, le développement durable en Afrique : nous avons un continent pas encore trop pollué, il faudrait y organiser une économie favorable à l’environnement afin que celui-ci demeure une richesse, mieux, une ressource pérenne.
Je rêve d’une Afrique moderne mais, cinquante ans après, les indépendances restent un leurre dans bien des domaines. Dans mon dernier roman, Celles qui attendent, j’ai écrit sur la douleur des mères et des épouses de jeunes Africains qui émigrent vers l’Europe, espérant y gagner de quoi faire vivre leur famille. C’est révélateur : l’indépendance officielle, administrative, est acquise, certes, mais l’indépendance économique reste à conquérir. Le continent doit se réveiller et lutter pour sa liberté économique, culturelle, artistique. À quand, par exemple, des maisons d’édition africaines influentes au niveau international ? Aujourd’hui, même dans le domaine de la culture (cinéma, musique, littérature, arts plastiques…), on a l’impression que l’Afrique, pourtant si créative, est une invitée sous tutelle, parce que l’existence de ses propres productions dépend trop souvent de devises étrangères.
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