Souhayr Belhassen et J.A. …

Présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) – 67 ans, lit Jeune Afrique depuis le début

Souhayr Belhassen. © Vincent Fournier pour J.A.

Souhayr Belhassen. © Vincent Fournier pour J.A.

Publié le 17 novembre 2010 Lecture : 2 minutes.

50 ans, 50 lecteurs, 50 regards sur J.A.
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50 ans, 50 lecteurs, 50 regards sur J.A.

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J’ai cru un moment remonter le temps : François Soudan me demandait d’écrire 3 000 signes sur les 50 ans de Jeune Afrique. Durant vingt ans de ma vie, je recevais à Tunis, par télex ou téléphone, à travers des formules alambiquées – censure oblige –, ce genre de message. Correspondante de J.A., j’étais à la fois dedans et dehors. J’échappais notamment au rituel des réunions de rédaction où, selon l’humeur de Béchir Ben Yahmed, les gens pouvaient se sentir tour à tour brillants ou vers de terre à peine capables de creuser le trou dans lequel ils devaient disparaître…

Il est des histoires qui marquent… Premier procès que le régime tunisien intente à ses citoyens : celui des étudiants en 1968. J’y suis, je rapporte dans J.A. La révolte des syndicats, celle du pain, celle du groupe armé de Gafsa… J’enquête, je dénonce. La dénonciation avait en effet ses moments choisis à J.A. C’était pour ma génération l’hebdo d’information de l’élite, mais pas seulement. Alors qu’aujourd’hui les médias nationaux, laudatifs ou critiques à l’excès se multiplient comme des petits pains, J.A. a été pendant longtemps en situation de monopole, considéré comme un « journal officiel », mais aussi perçu comme inoclaste. D’où l’importance, pour un journaliste africain, d’en être. Pouvoir écrire (plus) librement et toucher un plus large public : un rêve quand on a 20 ans.

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J’assisterai dans quelques semaines, à La Haye, au procès de Jean-Pierre Bemba, l’ancien vice-président de la RD Congo qui a prêté main-forte à Ange-Félix Patassé pour que ce dernier se maintienne à la tête de la Centrafrique et dont les troupes, au passage, ont massacré, violé, pillé les populations. La résonance que ce procès trouve en moi doit certainement quelque chose aux unes que Afrique Action, dans les années 1960, consacrait à Patrice Lumumba.

Ce passé est remonté, une fois encore, lorsqu’en septembre les autorités vietnamiennes ont fait pression sur la Thaïlande pour empêcher qu’une conférence de presse de la FIDH sur la situation des droits humains au Vietnam n’ait lieu à Bangkok, après avoir été interdite à Hanoi. J’ai pensé à l’admiration sans bornes que BBY vouait, à l’époque, au peuple vietnamien et à son combat, ce qui se reflétait bien évidemment dans son journal. Longtemps, il restera impressionné par sa rencontre avec Ho Chi Minh, « si grand et si menu », disait-il.

Il existe dans nos vies des moments privilégiés où toutes les parties de soi s’articulent tel un rouage bien huilé : le 24 septembre est tombé en France le verdict condamnant Khaled Ben Saïd, tortionnaire et diplomate tunisien, à douze ans de prison. Pour la FIDH, ce sont neuf ans d’enquête et de suivi, une avancée dont l’origine, en ce qui me concerne, remonte à mes premières lectures d’un journal pionnier. Chaque être humain est l’aboutissement complexe de son histoire propre, mais aussi et surtout de ce que les autres lui offrent. J.A. et BBY m’ont beaucoup donné et ont contribué à faire de moi ce que je suis.

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