Adame Ba et Alpha Oumar Konaré et J.A. …

Historienne et écrivaine – Ancien président du Mali et de la Commission de l’Union africaine 63 ans et 64 ans, lisent Jeune Afrique depuis cinquante ans

Adame Ba et Alpha Oumar Konaré. © AFP

Adame Ba et Alpha Oumar Konaré. © AFP

Publié le 17 novembre 2010 Lecture : 4 minutes.

50 ans, 50 lecteurs, 50 regards sur J.A.
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50 ans, 50 lecteurs, 50 regards sur J.A.

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Alpha le premier avait, très tôt, dès l’âge de 14 ans, à l’aube des indépendances, découvert Afrique Action dans les archives d’un père féru de culture et avide d’informations. Il guettait le « grand format », qui parlait de la nouvelle Afrique, de ses luttes, de ses épopées, de ses héros et, déjà à cette époque, de ses drames et de ses hontes. Il lisait toutes les pages, vivait les événements dans le réel et dans ses rêves. Il suivit la mutation d’Afrique Action en Jeune Afrique.

Tour à tour étudiants, stagiaires, jeunes professeurs au Mali, mariés en 1971 et partis immédiatement en Pologne, nous attendions Jeune Afrique, nous cherchions Jeune Afrique avec d’autres journaux très divers, différents dans le ton et les orientations, car il importait pour nous de faire notre opinion à chaque parution. À l’étranger, Jeune Afrique étanchait notre soif du pays. Nous attendions notre journal dans les salles de lecture, chez les libraires, dans les kiosques, chez les dépositaires indépendants que nous avions pris l’habitude d’amadouer ; parfois dans le wagon du bar-restaurant du train express Bamako-Dakar, qui avait son petit coin vente de journaux, lorsque nous fûmes retournés au Mali et que nous partîmes à Dakar compléter nos recherches pour nos thèses. L’attente de l’abonnement était trop longue pour nous.

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Dans le sillage de Jeune Afrique, de nouveaux journaux sont nés. Certains nous ont paru quelquefois plus percutants, mais nous n’avons pas été gagnés par l’infidélité. Nous n’avons pas eu tort car, malheureusement, beaucoup de ces titres ont disparu.

L’attachement à J.A., c’était pour ses articles faciles à lire, pour l’actualité vécue, la régularité, la fidélité au rendez-vous. L’attachement à J.A., c’était pour ses belles plumes comme Habib Boularès, Paul Bernetel, Jean-Pierre Ndiaye, Sophie Bessis, Sennen Andriamirado, Siradiou Diallo, Francis Kpatindé, Jean-Baptiste Placca, François Soudan, Zyad Limam, Élimane Fall, André Lewin…

L’attachement à J.A., c’est aussi, aujourd’hui, pour la relève si brillamment assurée par la nouvelle génération de journalistes. Nous avons toujours suivi l’évolution du journal, regretté quelquefois les belles pages jadis consacrées à l’histoire, à la culture, au sport, au-delà de la narration d’événements. Nous sommes parfois étonnés par certains articles qui nous paraissent complaisants, même si nous faisons la part des publireportages.

Nous nous sommes efforcés de nous convaincre que le changement de nom en L’Intelligent (c’était la volonté du patron ! la part du chef !) allait avoir la magie que Jeune Afrique a eue sur Afrique Action. Le couplage Jeune Afrique L’Intelligent a fini par nous convaincre que L’Intelligent ne pouvait pas prendre le pas sur Jeune Afrique, tout un symbole, toute une permanence, tout un état d’esprit, toute une volonté d’exister, de ne jamais abdiquer, de se battre, d’être toujours présent. Béchir Ben Yahmed ne pouvait pas ne pas comprendre que J.A. ne lui appartenait plus à lui tout seul. La revue pour l’intelligence du monde [devenue La revue tout court, NDLR] jaillie de cette fusion devrait, il nous semble, faire plus de place aux idées, à la prospective, aux grands changements du monde. Elle devrait s’engager énergiquement dans ce qui est la bataille du futur pour nous, la bataille du prochain cinquantenaire, la bataille pour les « États-Unis d’Afrique », la bataille pour la citoyenneté panafricaine et aussi pour la valeur homme.

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J.A. a su faire face à des défis lourds : corriger la tendance à apparaître plus « Maghreb », rester stable en affirmant toujours sa personnalité avec la libération de la presse sur le continent, être dans le vent des nouvelles technologies (jeuneafrique.com), rester fidèle aux valeurs humanistes et démocratiques, être Africain à Paris, Paris si universel et humaniste !

Le cinquantenaire de J.A. est l’occasion de rendre hommage à tous ceux qui étaient là depuis les débuts, à tous ceux qui ont repris le flambeau en divers lieux, à tous les étages de la maison, jusque dans les caves, gens de toutes conditions, rédacteurs, administrateurs, gérants, secrétaires, coursiers, techniciens divers qui servent Jeune Afrique et qui méritent que ses lecteurs se sentent plus concernés et s’engagent toujours pour l’Afrique. J.A., c’est une institution, mais plus qu’une institution, J.A. est devenu aujourd’hui tout un programme, grâce à l’action d’un grand Africain, d’un grand homme, Béchir Ben Yahmed.

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Nous ne l’avons rencontré pour la première fois que le 7 juin 2002 – notre dernier jour à la présidence de la République –, au palais de Koulouba, dans les bureaux d’Adame. Il était accompagné de Danielle, son épouse, et de Zyad, le grand fils aîné. Ils étaient venus assister à un jour d’accomplissement démocratique, le passage du témoin au nouveau président du Mali, Amadou Toumani Touré. Nous avions déjà rencontré Danielle et Zyad, mais pas Béchir Ben Yahmed, mais c’était comme si nous nous étions connus depuis toujours, comme si nous avions cheminé ensemble. Tout de suite, nous l’avons tous les deux appelé Béchir, comme si nous nous adressions à un grand frère. Malgré tout, Alpha, qui adore le « tu » ne s’est pas risqué à sortir du cadre du « vous », sans d’ailleurs bien comprendre pourquoi.

Il est tout à l’honneur de Béchir d’avoir compris que partir fait partie de la vie, que préparer la relève est une façon de perdurer, de continuer à vivre. Mais l’indispensable marque de la famille ne prendra toute son ampleur que dans la fidélité à la tradition de rigueur de Béchir, et dans la place qui pourra être faite à d’autres.

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