Ali Soumaré: « J’ai pris des coups, et je suis encore debout »
Il est jeune (29 ans), d’origine malienne, vit depuis l’âge de 8 ans dans la banlieue sensible de Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) et a mené à la victoire la liste départementale du Parti socialiste aux élections régionales, en mars. Qualifié de « délinquant récidiviste » par ses adversaires lors de cette campagne, il donne sa part de vérité dans Casier politique, coécrit avec Jean-Marc Pitte (éditions Max Milo), qui sort le 28 octobre.
Dans Casier politique, Ali Soumaré revient sur la « tempête politique, médiatique et judiciaire » qui s’est abattue sur lui. Ses adversaires de l’UMP ont déterré une bêtise de jeunesse. Une bagarre entre bandes rivales, une plainte pour vol et lui, qui s’était retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Le jeune homme est condamné à six mois de prison ferme par le tribunal de Pontoise le 9 décembre 2002. Sa peine purgée, il entame une carrière de travailleur social dans sa commune.
Un soir de novembre 2007, deux jeunes de Villiers-le-Bel sont tués au bout d’une course poursuite avec la police. Porte-parole des familles à son corps défendant, Soumaré se retrouve au cœur du maelström des émeutes qui éclatent par la suite. Le livre fourmille d’anecdotes et d’analyses qui donnent un autre visage aux quartiers sensibles de la région parisienne.
JEUNE AFRIQUE : Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
ALI SOUMARÉ : Après toutes les attaques que j’ai subies, je voulais raconter moi-même mon histoire. Dire quelle est ma vision de la politique. Obama a réussi à mobiliser ses compatriotes blancs, noirs, hispaniques en racontant son parcours. En France, le discours politique devrait être moins déconnecté de la réalité.
Casier politique s’adresse donc à de potentiels électeurs…
Je l’ai écrit pour ceux qui ne croient plus à l’engagement politique ainsi que pour ces habitants de banlieue qui ont du mal à aller voter. Je voulais aussi rassurer ceux qui m’ont soutenu, mais qui se posent encore des questions quand ils me croisent dans la rue.
Après cette campagne difficile, croyez-vous que d’autres jeunes issus des banlieues aient envie de faire de la politique ?
J’ai pris des coups, et je suis encore debout. J’essaie de montrer qu’il n’y a pas de fatalité, qu’il faut forcer le destin. Le Parti socialiste n’est pas venu me chercher. C’est moi qui suis allé à lui. Ils m’ont choisi comme tête de liste non pas parce que j’étais « le Noir de service », mais parce que j’ai trimé pour y arriver. Je ne suis pas une fabrication.
Diriez-vous comme Rama Yade que vous êtes une anomalie statistique dans la classe politique française ?
Je n’emploierai pas ce terme. Comme elle, j’essaie de montrer qu’il n’y a pas de fatalité. Mais le parallèle s’arrête là.
Vous étiez souvent proche du découragement ?
C’est vrai. Pendant cette campagne, parfois l’envie de tout laisser tomber me gagnait. Mais il y avait une telle espérance, tellement d’attente chez les gens ! J’ai croisé une femme à Paris, qui m’a encouragé en sanglotant. Tout ça finit par mettre la pression.
Aviez-vous conscience de vos handicaps ?
Au départ, je me disais : si tant de personnes ont échoué avant moi, comment se fait-il que j’y arrive ? Même les médias africains s’interrogeaient sur mon profil : le PS ne s’était-il pas trompé en choisissant un candidat qui n’est pas sorti de Sciences-Po ou de l’ENA, et n’a même pas le bac ? J’avais fait des semaines de prison pour une affaire [de bagarre entre bandes rivales, NDLR] dans laquelle je n’avais rien à voir ! Mon élection a montré qu’un parcours de travailleur social et la sincérité de l’engagement politique comptent.
Le facteur racisme n’a pas joué…
Les gens des quartiers se sont reconnus à travers les attaques qui me visaient. Ils me disaient : « Tu n’y arriveras jamais. Ils ne nous aiment pas. » Faux. J’ai recueilli 40 % des voix à L’Isle-Adam, chez Axel Poniatowski [son rival UMP dans le Val-d’Oise, qui l’avait traité de « repris de justice », NDLR].
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