Soupçons de corruption et panique à la Fifa
Plusieurs membres de la Fédération internationale de football Association, dont le Nigérian Amos Adamu, sont soupçonnés d’avoir monnayé leur voix à quelques semaines du vote pour l’attribution de la Coupe du monde 2018, le 2 décembre.
Le gouvernement du football mondial est aux cent coups. Du côté de la Fifa-Strasse, sur les hauteurs de Zurich (Suisse), l’affaire révélée par les journalistes britanniques du Sunday Times a créé un malaise tel que Sepp Blatter, le patron de la puissante fédération internationale, et ses collaborateurs ont bien du mal à le dissiper malgré leurs communiqués sibyllins et leurs conférences de presse.
En se faisant passer pour des lobbyistes américains voulant s’assurer que l’organisation de la Coupe du monde 2018 serait confiée à leur pays*, les journalistes de l’hebdomadaire d’outre-Manche ont jeté à la face du monde du football la cupidité présumée de certains membres de la Fifa.
Dans son édition du 17 octobre et sous le titre évocateur « Coupe du monde : votes à vendre », le Sunday Times a révélé que le Nigérian Amos Adamu, par ailleurs président de l’Union des fédérations ouest-africaines de football (Ufoa) et le Français (de Tahiti) Reynald Temarii, vice-président de la Fifa et patron de la Confédération océanique de football (OFC), étaient disposés à monnayer leur vote au prix fort. Temarii aurait demandé 1,6 million d’euros pour ouvrir une académie de sport à Tahiti. Adamu « se contentait » plus modestement de 570 000 euros pour financer quatre terrains en synthétique dans son pays.
Terrains artificiels
Les fins limiers (et faux lobbyistes) britanniques affirment avoir rencontré le Nigérian à deux reprises. À Londres, celui-ci aurait exprimé son souhait de faire construire ces terrains artificiels. À la question de savoir si la somme nécessaire à la réalisation de ce projet devait être remise à la fédération nigériane ou à lui-même directement, Adamu aurait répondu : « directement ». Une version que l’intéressé aura du mal à contester, puisque l’entretien a été filmé en caméra cachée… Un peu plus loin dans la conversation, il aurait ajouté que le versement de cette somme influencerait son vote en faveur des États-Unis. Lors de sa seconde entrevue avec les journalistes, au Caire, Adamu leur avait carrément « garanti » son vote.
À en croire les reporteurs du Sunday Times, qui ont enquêté pendant trois mois dans les coulisses de la Fifa, la corruption autour des votes pour l’attribution de la Coupe du monde 2018 ne se limiterait pas aux « cas » Adamu et Temarii. Le Malien Amadou Diakité leur aurait ainsi dévoilé – avant de se rétracter – que des sommes importantes avaient été proposées par des pays candidats à des membres du comité exécutif de la Fifa – auquel il a appartenu. Retranchés dans les luxueux locaux de la fédération à Zurich, Sepp Blatter, qui s’est dit « affligé » par cette affaire, et Jérôme Valcke, son secrétaire général, refusent toutes les demandes d’interviews, qui affluent à leur bureau de presse.
Le 20 octobre, la Fifa a annoncé l’ouverture d’une procédure contre Temarii et Adamu (ce dernier est également visé par une enquête de l’agence anticorruption du Nigeria) afin de déterminer s’ils ont « enfreint le code d’éthique ». Le premier a fait savoir qu’il ne démissionnerait pas et qu’il disposait d’éléments prouvant son intégrité. La Fifa les a néanmoins suspendus tous deux de leurs fonctions à titre provisoire, ainsi que quatre membres de la Fifa (mais qui ne font pas partie de son comité exécutif), dont le Tunisien Slim Aloulou, le Botswanais Ismail Bhamjee et le Malien Amadou Diakité. On leur reproche d’avoir été mêlés au « processus de désignation des villes hôtes pour les Mondiaux de 2018 et 2022 ».
Inventé de toutes pièces
On soupçonne Aloulou d’avoir proposé de jouer les intermédiaires entre les lobbyistes et des membres du comité exécutif en échange de 340 000 euros, et Bhamjee d’avoir déclaré que trois anciens membres de la Fifa avaient accepté de voter en faveur du Maroc lors de la désignation du pays hôte du Mondial 2010 contre le versement de sommes allant de 180 000 à 355 000 euros. Le Botswanais nie avoir tenu de tels propos.
Quant à Diakité, il aurait avoué que certains membres du comité exécutif s’étaient vu proposer des sommes comprises entre 720 000 et 865 000 euros en échange de leur vote pour la désignation du pays qui accueillera l’édition 2018. Aujourd’hui, le Malien explique lui aussi avoir « inventé » cette histoire de toutes pièces.
Le Royaume-Uni n’est pas seulement la patrie des tabloïds fouilleurs de poubelles et colporteurs de ragots sur la vie des people. Dans son livre Comment ils ont faussé le jeu, le journaliste David Yallop assurait que l’élection de Blatter à la présidence de la Fifa face au suédois Lennart Johansson, en 1998, avait été entachée d’irrégularités et que vingt membres influents du comité exécutif de la Fifa auraient accepté au total 850 000 euros pour favoriser cette élection.
Ce qui n’a jamais été prouvé, malgré une déposition de Mohiedine Hassan Ali, alors vice-président de la fédération somalienne (SFF), qui a affirmé avoir reçu, avec trois de ses compatriotes, « de l’argent afin de voter en faveur de Blatter ». Selon Hassan Ali, « dix-huit participants africains au vote » en auraient fait de même. La Fifa, qui dépense des fortunes en frais d’avocats pour décourager les journalistes trop curieux, avait également fait l’objet d’un livre-réquisitoire, Les Dessous troublants de la Fifa, du Britannique Andrew Jennings, dont la publication en Suisse a été interdite.
« Un triste jour pour le football », a brièvement déclaré Blatter, le 20 octobre. Pour la Fifa, surtout…
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* Les États-Unis se sont depuis désistés pour briguer l’édition 2022. Sont candidats : l’Angleterre, la Russie, le Portugal avec l’Espagne, qui ont présenté un dossier commun, tout comme les Pays-Bas, associés à la Belgique.
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