Y’a bon Guerlain
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 25 octobre 2010 Lecture : 2 minutes.
On ignore si la ministre congolaise (RDC) de la Culture et des Arts se parfume chez Guerlain, mais une chose est sûre : ce que cette dame et l’héritier de la célèbre maison de luxe parisienne ont dit ces derniers jours dégage un même et unique effluve, celui de la bêtise. C’est à Jean-Paul Guerlain, 72 ans, 29e fortune de France, personnage distingué qui se définit lui-même comme « un admirable emmerdeur », qu’est revenu le déshonneur d’ouvrir le ban. C’était le 15 octobre, sur le plateau de France 2. Évoquant le processus de création du parfum Samsara, ce délicieux personnage a cru bon d’ajouter ceci : « […] Pour une fois, je me suis mis à travailler comme un nègre. Je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin… » Quand l’odeur nauséabonde du racisme recouvre les délicats accords du jasmin et du santal, cela donne du Guerlain dans le texte. À toutes celles et à tous ceux qui me lisent : boycottez Samsara, Shalimar, Habit Rouge, Chamade, Parure, Vetiver et toutes les guerlineries jusqu’à ce que ce monsieur irrespirable vienne s’excuser publiquement à la télé !
Le problème, c’est que je vois d’ici frétiller d’aise le nez incomparable de ce détecteur de senteurs. Lui qui ne déteste rien tant que les chasseurs de bébés phoques (caractéristique qui le rapproche de l’islamophobe rance de Saint-Tropez), a capté du côté de Kinshasa un fumet très comparable à celui qu’il dégage. Circonstance désespérante : sa consœur en élucubrations est elle-même africaine, ministre et manifestement portée sur le masochisme. Avant de s’égarer dans la culture, Jeannette Kavira Mapera, 47 ans, siégeait au conseil d’administration d’une société pétrolière. Elle aurait dû y rester, ce qui lui aurait évité de se livrer, le 18 octobre, à un éloge sidérant de Tintin au Congo, qualifié de « chef-d’œuvre », avec ce commentaire à faire jouir tous les nostalgiques de la chicote et du casque colonial : « À cette époque décrite dans l’ouvrage, effectivement, pour remettre le Congolais au travail ou l’inciter à travailler, il fallait utiliser le bâton. Aujourd’hui encore, dans certains milieux, il faut y aller par des méthodes fortes. »
Conclusion : les nègres sont paresseux, puisque c’est une négresse, ministre de surcroît, qui le dit. Nul doute que M. Guerlain va envoyer à Mme Kavira un coffret de ses sublimes parfums pour la remercier de sa compréhension. Quant à moi, en ce cinquantième anniversaire de J.A., j’aurais voulu, soyez-en sûrs, ne pas vous raconter une histoire qui nous ramène cinquante ans en arrière. Mais voilà : cela s’est passé en ce mois d’octobre 2010.
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