La maladie de l’Europe

Fawzia Zouria

Publié le 25 octobre 2010 Lecture : 2 minutes.

Le diagnostic ne fait pas de doute : l’Europe souffre d’Alzheimer. À peine quelques décennies après le nazisme, voilà qu’elle nous fait des crises d’amnésie, feint d’ignorer ses anciens démons et récidive avec le rejet de l’étranger, le fichage et la ségrégation raciale. Seule différence, ce n’est plus le Juif qui est désigné du doigt – et encore ! –, c’est le musulman, le Noir ou le gitan. Dame Europe soupçonne l’immigré de verser dans la délinquance, la drogue ou le vol à la tire, quand elle ne le présente pas sous les traits d’un analphabète tenant boutique avec une Fattouma voilée jusqu’aux yeux, peinant à exercer son autorité sur une progéniture nombreuse qui, au mieux, a trouvé refuge sur un terrain de foot ou dans une cage d’escalier, au pire dans une cellule, ou sur les chemins djihadistes d’Afghanistan.

Cette xénophobie qui tient comme une crampe l’Europe – au moment même où l’état de son économie lui donne des migraines financières – a pour symptômes une montée invasive des partis de droite accompagnée d’une diarrhée de discours identitaires et de spasmes épileptiques contre l’islam. Si les signes extérieurs de la maladie ne sont pas encore flagrants sur tout le continent, ils sont publiquement manifestes. L’Italie nous a fait récemment une poussée de démence à la Mussolini en s’attaquant à ses ouvriers noirs. La France est connue pour ses flambées de fièvre récurrentes dans les banlieues, qui se caractérisent par des délires au karcher ou des rejets de la greffe des Roms. Quant à l’Allemagne, elle vient de rechuter avec un livre intitulé L’Allemagne court à sa perte, d’un certain Thilo Sarrazin, nouveau chantre de la théorie raciale et pourfendeur des hordes musulmanes en passe de métastaser le grand corps national.

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Autre menu changement : alors que les défenseurs de l’empire français ou de la race aryenne avaient jadis des noms de terroir et des origines chrétiennes profondément enracinées, les soldats de l’offensive anti-arabo-africano-musulmane recrutent désormais parmi les non-Européens de souche, quand ils n’ont pas quelque lien avec le monde arabe. Exemple, Éric Zemmour pour la Gaule et Thilo Sarrazin pour la nation germanique. Savez-vous qu’en langue arabe Zemmour vient du verbe zammara, qui veut dire siffler, et dont le substantif désigne le souffleur dans un mizmar, soit une flûte ? Que Sarrazin signifie Arabe ou musulman, cher Thilo, vous qui êtes fils d’immigrés huguenots ? Amnésique à leur façon, ces deux messieurs aussi, n’est-ce pas ? Mais c’est moins à eux qu’il convient d’en vouloir qu’à ce nouveau chic européen qui consiste à se permettre une vraie cure de racisme en louant les services d’autrui ; à redoper le virus de la xénophobie par la voix de fils d’immigrés. Ce qui n’est pas la meilleure façon de récompenser les Zemmour et les Sarrazin, hérauts d’une cause défendue au profit de peuples européens de souche qui finiront par les considérer comme des racistes de service.  

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