Ibrahim Diawara : « Ceux qui font preuve d’audace ont toutes les chances de réussir »
Eau, énergie, télécoms, transport aérien, matériaux, construction… Le patron d’Ibi a de la suite dans les idées et de l’audace à revendre. Ibrahim Diawara crée de nouvelles activités au gré des besoins de ses sociétés.
Mali : en route pour 2012
Ibrahim Diawara est le symbole du jeune Malien autodidacte parti faire fortune à l’étranger et qui revient au pays la valise pleine d’idées. C’est en 1991, après le bac, qu’il rejoint son frère commerçant en Thaïlande, qu’il quitte trois ans plus tard pour l’Indonésie, avant d’atterrir finalement en Australie, où il découvre le potentiel de l’énergie solaire.
Dix ans après le retour au pays de ce Soninké polyglotte (il parle sept langues), qui avoue volontiers avoir « ciré des chaussures à l’âge de 12 ans pour gagner de l’argent », le groupe qu’il a créé, Ibi, pèse 10 milliards de F CFA (plus de 15,2 millions d’euros), emploie 350 personnes et est présent dans plusieurs secteurs d’activité. Il a commencé par l’adduction d’eau, l’énergie solaire et les télécommunications, avec Diawara Solar (20 % du chiffre d’affaires du groupe), pour poursuivre dans le transport aérien et l’ensemencement, avec Mali Aero Company (40 % du CA), et enfin dans les matériaux, avec Stones (40 % du CA), qui, depuis 2004, fabrique des pavés, tuiles, carrelages et revêtements de sol. Aujourd’hui, à 40 ans, cet entrepreneur audacieux et soucieux du détail ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et planifie déjà l’expansion régionale de son groupe.
JEUNE AFRIQUE : Quelle est votre vision pour le développement d’Ibi ?
IBRAHIM DIAWARA : D’ici à dix ans, le groupe Ibi sera un leader panafricain sur tous ses marchés. Pour l’activité transport aérien, nous avons l’ambition de devenir un acteur sous-régional important, notamment grâce à l’acquisition de deux avions Dash 8, qui pourront transporter 50 personnes et compléteront notre flotte de trois avions King Air. Pour accompagner cela, nous sommes en train de bâtir un centre de maintenance aéronautique de plus de 3 000 m2, pour 2 milliards de F CFA.
De son côté, notre société Stones aura des parts de marché importantes pour les matériaux de revêtement de sol, notamment grâce à l’investissement de 12 milliards de F CFA que nous effectuons à Gouroudapé, près de Bafoulabé [dans la région de Kayes, à 400 km au nord-ouest de Bamako, NDLR], pour produire du carbonate de calcium, un élément notamment utilisé pour la peinture. Enfin, dans quatre mois, notre nouvelle société de construction, Builders, sera opérationnelle, avec déjà 40 employés.
N’est-ce pas risqué pour un jeune groupe de se disperser dans des secteurs d’activité aussi différents ?
Il ne s’agit pas réellement de diversification. Nous ne faisons que saisir des opportunités en prolongeant des activités déjà existantes, dans lesquelles nous avons prouvé notre savoir-faire.
Par exemple, le centre de maintenance aéronautique va d’abord nous servir, puis permettre de proposer des services à de nombreuses compagnies qui n’en disposent pas à proximité.
Quant à Builders, il va d’abord être utile au sein du groupe, puis séduire d’autres clients grâce à une nouvelle technologie utilisant davantage de fer dans les constructions, avec des coûts inférieurs de 30 % à ceux pratiqués sur le marché.
Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de gagner de l’argent uniquement grâce aux marchés d’État ?
Au Mali, comme dans la plupart des pays en développement, l’État est le principal client. Je pense que sa vocation est, entre autres, de favoriser la création de champions nationaux grâce aux commandes publiques. C’est vrai que nous en profitons, mais essentiellement pour l’activité d’ensemencement de nuages, conduite par Mali Aero Company dans le cadre de l’opération « pluies provoquées ».
Nous sommes aussi fiers de dire que les carreaux du palais présidentiel de Koulouba sont fabriqués par Stones, avec des matières premières 100 % locales…
Pour ce qui est de l’activité transport aérien, pensez-vous que vous ferez le poids face aux compagnies internationales ou aux pavillons nationaux qui s’organisent ?
Nous n’avons pas le même modèle. Ces compagnies utilisent des avions gros-porteurs, avec le risque qu’ils ne soient pas toujours pleins, alors que nos petits porteurs de 50 places seront certainement remplis, surtout grâce à une clientèle d’affaires souhaitant, par exemple, rallier Bamako à Conakry, en Guinée, par un vol direct.
Comment financez-vous vos activités ?
Nous sommes un groupe sain et bien géré, qui génère des profits que nous réinvestissons pour le développement. Par ailleurs, nous sommes appuyés par des banques locales, par exemple la Banque malienne de solidarité [BMS], qui nous accompagne pour le projet de carrière à Bafoulabé. Mais nous n’excluons pas de faire appel dans le futur à des institutions de financement régionales ou internationales.
Avez-vous, comme la plupart des chefs d’entreprise africains autodidactes, du mal à déléguer ?
Il ne faut pas généraliser. Pour ma part, j’ai placé un directeur à la tête de chacune de mes filiales et je leur fais confiance en pratiquant un management participatif. Étant moi-même régulièrement en déplacement, ils ont par exemple la capacité de prendre des engagements financiers. Mon rôle se limite à la coordination des activités et au développement.
Trouvez-vous suffisamment de ressources humaines qualifiées au Mali ?
Il est vrai que, pour la plupart des métiers de techniciens, le Mali manque encore de compétences. Nous avons donc des expatriés dans chacune de nos filiales, notamment des Sud-Africains, des Chinois, des Américains et des Philippins, mais aussi des ressortissants de la sous-région, originaires de Côte d’Ivoire, du Bénin et du Sénégal.
Cela favorise-t-il réellement le transfert de compétences ?
Oui, les étrangers contribuent à former les Maliens, c’est le cas par exemple pour nos pilotes, qui sont formés par leurs collègues sud-africains. La société Stones a quant à elle été, un temps, dirigée par un Italien, qui a depuis passé la main à des Maliens. Par ailleurs, nous faisons appel à une société de gestion de ressources humaines, Proveqtüs, pour nous aider dans la formation de notre personnel et pour recruter des cadres africains compétents.
Comment jugez-vous l’environnement des affaires au Mali ?
L’environnement des affaires est globalement propice à l’expansion des entreprises. Et ce dans beaucoup de secteurs d’activité. En effet, les efforts du gouvernement en matière de promotion des investissements et du secteur privé sont à saluer. Ceux qui font preuve d’audace et investissent dans des secteurs porteurs encore vierges ont toutes les chances de réussir, malgré la persistance de certaines tracasseries administratives.
Aussi, il faut le reconnaître, la stabilité politique est un atout, surtout quand on voit ce qui se passe dans d’autres pays de la sous-région.
Qu’est-ce qui vous a poussé à rentrer au pays après dix ans en Asie et en Océanie ?
Je me suis dit que de nombreuses opportunités existaient dans mon pays, et que je pourrais apporter davantage en investissant sur place qu’en me limitant au simple commerce entre l’Afrique et l’Asie. J’ai failli renoncer au début, après la création de Diawara Solar, ma première société au Mali, qui a connu des difficultés. Mais avec le recul, je ne regrette absolument pas.
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