Aziz nuance sa guerre contre Aqmi
Pour éviter de se retrouver dans le viseur des djihadistes, mais aussi pour apaiser l’Algérie, le président présente ses opérations militaires au Mali comme de simples ripostes sécuritaires.
Pour Mohamed Ould Abdelaziz, il y a deux guerres. L’une entre Al-Qaïda et l’Occident, l’autre entre la Mauritanie et des bandes de délinquants. Trop coûteuse et risquée, la première n’est pas l’affaire du président « Aziz ». Légitime, à portée de Nouakchott, la seconde est la sienne.
Depuis que son armée a bénéficié d’un soutien militaire français pour attaquer un camp d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), au Mali, le 22 juillet dernier, le chef de l’État mauritanien assène ce message prudent et calibré. « Notre pays n’est pas en guerre ouverte avec Al-Qaïda, ni avec personne d’autre. Il s’agit plutôt d’une guerre contre des bandes criminelles armées se livrant au trafic de drogue et à des activités subversives », a-t-il expliqué sur la chaîne qatarie Al-Jazira, le 9 octobre. Le 5 août, à Nouakchott, il profitait déjà d’une émission télévisée pour préciser, face à des citoyens lambda : « Nous ne faisons pas la guerre à Al-Qaïda, il s’agit d’un terrorisme local. »
« Raids aventureux »
Lesdits adversaires semblent en tout cas coriaces. Lors de la dernière opération mauritanienne au Mali, près de Tombouctou, le 17 septembre, l’armée a enregistré des blessés et des pertes – 8 morts selon le bilan officiel, davantage selon des sources maliennes et burkinabè – et pilonné quelques cibles dans le désert, tuant deux civils. Cette intervention a valu à la Mauritanie un communiqué d’Aqmi accusant son armée d’être « à la solde des mécréants et des croisés qui tuent des innocents en Irak et en Afghanistan » et à Aziz d’être un « agent de la France ».
C’est précisément pour éviter cet amalgame lourd de conséquences que l’ex-général s’échine à vider son combat de toute idéologie et à le présenter comme une simple riposte sécuritaire. Au lieu d’annoncer un engagement militaire contre les terroristes, il cherche à circonscrire son action, expliquant que ses seuls ennemis sont les petites mains d’Aqmi qui, avant d’être des djihadistes, sont des trafiquants en tout genre cherchant à déstabiliser le pays pour faire prospérer leur business. Mais la partie est serrée. Dans la logique d’Aqmi, la République islamique de Mauritanie a trahi. En agissant avec le soutien militaire de la France, elle entre dans le camp occidental et renie l’islam.
C’est aussi pour répondre à une partie de l’opposition qu’Aziz précise le sens de sa guerre. « Ces raids en territoire malien sont aventureux, dit Mohamed Ould Maouloud, à la tête de l’Union des forces de progrès et qui occupe actuellement la présidence (tournante) de la Coordination de l’opposition démocratique. Nous allons nous attirer l’hostilité de la nébuleuse et nous n’y sommes pas préparés. » La sécurité nationale, un thème brûlant à Nouakchott, est sous la responsabilité directe du chef de l’État. Qu’elle soit menacée, et la légitimité de celui-ci s’en trouve fortement affaiblie.
Aziz veut aussi apaiser le voisin algérien, qui voit d’un mauvais œil son engagement. Estimant être le mieux placé pour lutter contre le terrorisme dans la région, Alger reproche à Nouakchott son alliance militaire avec la France. Surtout qu’elle s’est nouée quelques mois après la création, en avril dernier, d’un comité d’état-major opérationnel conjoint (avec le Niger et le Mali) basé à Tamanrasset, dans le Sud algérien.
Pourquoi Aziz prend-il autant de risques ? « La Mauritanie a été attaquée et elle réagit, l’explication suffit », tranche un diplomate occidental. Depuis bientôt deux ans, Aziz est aussi le meilleur allié de la France dans la région. Voyant en lui un rempart contre le terrorisme, Paris l’a rapidement soutenu après son coup d’État, en août 2008. « La France est notre mentor », ironise un ancien haut fonctionnaire. Depuis la fin de septembre, le « mentor » a mis entre parenthèses l’option militaire, cherchant cette fois à dialoguer avec les ravisseurs de ses ressortissants enlevés au Niger le 16 septembre. De la même manière, Aziz met une sourdine à sa guerre et opte pour une autre arme : la parole. Du 24 au 28 octobre, il organise un débat national à Nouakchott. Son thème : le terrorisme.
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