Pire que les faux guides : les faux touristes
Le tourisme de masse ne comporte pas que des avantages. Au Maroc et à Marrakech comme ailleurs…
Marrakech, la nouvelle star
Il y a quelques années, je me suis retrouvé à l’aéroport de Heathrow, près de Londres, à côté d’un groupe de jeunes gens surexcités qui s’apprêtaient à aller passer une semaine à Salou. C’est du moins le nom qui revenait régulièrement dans leur conversation, faite surtout de cris et d’exclamations. En bons Anglais en goguette, ils se promettaient des journées de plage et de farniente et des soirées de bière et de drague dans les boîtes de nuit.
Par curiosité, par désœuvrement, je leur demandai où se trouvait Salou. Après quelques secondes d’hésitation, une discussion animée s’engagea entre les amis voyageurs. En Grèce, disaient les uns, en Italie, affirmaient d’autres, pendant qu’une jeune fille grimée en sorcière couinait, pas très sûre d’elle : l’Espagne ?
Perversion du tourisme
À chaque fois que je vais à Marrakech, je pense à cette scène surréaliste. Arrivera-t-il, ce jour funeste où les gens iront dans la ville de Youssef Ibn Tachfin sans trop savoir s’ils sont au Maroc, en Tunisie ou au Mali ? La dernière fois que j’ai passé quelques jours au Kenzi Farah, bel hôtel à l’immense jardin, où on peut se restaurer, nager, faire de la gym, acheter des produits artisanaux, regarder 100 chaînes de TV dans sa chambre, j’ai constaté avec inquiétude que des couples d’Européens, voire des familles entières, semblaient passer toute la journée entre leur chambre, la piscine, le restaurant, le tennis et de longues siestes dans des transats, parmi les palmiers et les lauriers-roses du jardin.
Vision d’horreur : le même autobus qui les a amenés de l’aéroport les reprendra au seuil de l’hôtel, la semaine écoulée, et les ramènera à l’aéroport d’où ils s’envoleront, repus et bronzés, bien contents d’avoir passé quelques jours chez Bourguiba !
Bien sûr, le pire n’est jamais sûr et il ne faut pas généraliser. Mais quelle perversion du tourisme si cela se produisait ! N’oublions pas que le mot lui-même fut inventé pour désigner les voyageurs qui allaient faire le tour de l’Italie afin d’admirer les églises, les tableaux des peintres de la Renaissance, les places et les ruelles, l’architecture, etc. Que faire pour qu’on redécouvre le sens de ce mot si galvaudé : tourisme ?
Et si on attachait à la cheville de chaque bonhomme débarquant à Marrakech un petit bidule relié par GPS à un satellite ? Il ne pourrait quitter la Ville Ocre qu’après avoir accompli le circuit réglementaire : tombeaux Saadiens, palais de la Bahia, Bab Agnaou… On imagine les douaniers new-look : Hé, vous là-bas ! Vous n’avez pas visité le palais Badiî ! C’est l’ordinateur qui me le dit. Allez, vous reprenez la navette et vous retournez en ville et…
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