Affaire Borrel : une contre-enquête à la télé
Il y a tout juste quinze ans, le juge français Bernard Borrel était retrouvé mort au pied d’une falaise de Djibouti. Le réalisateur Francis Gillery a mené sa propre enquête sur ce décès d’abord présenté comme un suicide, puis un assassinat, mais au sujet duquel des zones d’ombres demeurent.
Comment est mort – ou qui a tué – le juge Bernard Borrel ? Le corps du magistrat français, détaché à Djibouti auprès du ministère de la Justice local, avait été retrouvé « fortuitement » au pied d’une falaise, en face de l’île du Diable, à 80 km de la capitale, par deux gendarmes français de la prévôté d’Arta qui patrouillaient dans la région. C’était le matin du 19 octobre 1995.
Très vite, la thèse du suicide avancée par les autorités françaises et djiboutiennes est contestée. L’hypothèse d’un assassinat se renforce après qu’une seconde autopsie, pratiquée en 2002, a établi que le magistrat ne pouvait s’être tué par immolation. Après les déclarations de Mohamed Saleh Alhoumekani, un mystérieux opposant exilé en Belgique, Ismaïl Omar Guelleh, l’actuel chef de l’État djiboutien, qui, à l’époque des faits, était directeur de cabinet du président Hassan Gouled Aptidon, est présenté comme le commanditaire du « meurtre ». Relayée par la presse française, cette accusation provoque une grave détérioration des relations entre Paris et son ancienne colonie.
Réseau pédophile ?
Peu convaincu par la version officielle, le réalisateur français Francis Gillery a repris l’affaire de zéro. Le résultat de ses investigations : un film de quatre-vingt-dix minutes, diffusé sur France 3 le 17 octobre dernier. Son travail, qui offre un nouvel éclairage, place deux personnages au centre de l’intrigue : Jean-Jacques Mouline, le chef de la mission de coopération, et Claude Sapkas-Keller, l’influent conseiller français du président Aptidon. Gillery établit un lien entre la mort du juge et l’existence d’un vaste réseau pédophile impliquant des membres de la communauté française expatriée. C’est peut-être parce que Borrel en savait trop qu’on l’aurait « suicidé». Paris aurait maquillé l’affaire pour préserver l’image de la France. D’où l’empressement de l’ambassade à annoncer le suicide.
Élément troublant : le corps a été enterré en France sans permis d’inhumer et sans être autopsié (il le sera en 1996 et en 2002). Pour Gillery, contacté par J.A., l’affaire Borrel est donc bel et bien une affaire franco-française. Le documentariste ne croit plus en la thèse d’une quelconque implication du président Guelleh, le témoignage qui l’accable n’étant pas crédible, et aucun mobile convaincant n’ayant été avancé.
Mais, de son propre aveu, de nombreuses zones d’ombre demeurent, notamment concernant les circonstances exactes de la mort du magistrat. Son documentaire va-t-il relancer le volet français de l’enquête, confié à la juge Sophie Clément, qui semblait s’acheminer vers un non-lieu ?
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