Du pain sur la planche

À l’occasion du Festival d’Alger, retour sur un marché qui peine à se développer, alors que le pays possède une nouvelle génération de dessinateurs qui détonnent.

Publié le 13 octobre 2010 Lecture : 3 minutes.

« Un catalyseur pour la production et la lecture de BD en Algérie », commente Lazhari Labter, éditeur à Alger et spécialiste de la bande dessinée de son pays. « Un festival qui vise à devenir le festival africain de BD », ajoute Christophe Cassiau-Haurie, spécialiste français de la BD africaine. Concert de louanges pour le Festival international de la bande dessinée d’Alger (Fibda), qui se tiendra du 13 au 17 octobre. Après deux années d’existence, le Fibda prend de l’envergure et propose pour cette troisième édition une programmation aussi ambitieuse qu’alléchante. Quatre-vingt-dix auteurs sont invités, dont certains grands noms comme Baru, Grand Prix 2010 du Festival d’Angoulême, Quino, auteur argentin de Mafalda, ou encore Slim, incontournable dessinateur algérien. Sont également prévues des dizaines de tables rondes, des expositions, des conférences et même des projections en avant-première… Le Festival d’Alger, soutenu par de gros moyens et un fort appui du ministère de la Culture algérien, veut jouer dans la cour des grands.

Paradoxe, avec environ 9 000 visiteurs sur quatre jours (chiffres de l’édition 2009), le festival reste, en termes d’affluence, assez modeste. Un chiffre qui reflète assez bien la situation algérienne. Le pays, qui possédait dans les années 1970-1980 une scène BD dynamique, n’a aujourd’hui plus guère de production nationale. Cette année, à côté d’importantes maisons européennes comme Casterman, Dargaud et Kana, seuls quatre éditeurs algériens seront présents au festival. Et aucun n’est spécialisé dans la BD. Parmi eux, Lazhari Labter avoue tirer ses ouvrages rarement à plus de 1 000 exemplaires. « La production de BD reste très faible, sporadique et inégale, explique-t-il. On peut compter les nouveautés sur les doigts des deux mains en 2008-2009 : moins d’une dizaine de titres. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’auteurs ou d’albums inédits, mais l’édition spécialisée est quasi inexistante. »

la suite après cette publicité

Perspective panafricaine

Bien conscient de cette difficulté, le ministère de la Culture encourage les éditeurs à donner naissance à quelques parutions à l’occasion du festival. En 2009, Dalimen (dirigé par Dalila Nadjem, la commissaire du Fibda) a présenté une revue ambitieuse, El Bendir, qui mêle des auteurs algériens « classiques » et ceux de la nouvelle génération. Mais aussi un album collectif La bande dessinée conte l’Afrique, qui regroupe plusieurs auteurs du continent, ou encore Cases et bulles africaines, du Congolais Hilaire Mbiye Lumbala, une étude sur la BD africaine francophone. Caractéristique de ces publications ? Elles ne se cantonnent pas forcément à l’Algérie et dénotent l’envie du festival de se placer dans une perspective panafricaine. « L’Afrique n’a pas tout dit sur ce qu’elle sait faire dans ce domaine », affirme, convaincue, Dalila Nadjem.

Pour autant, le festival porte-t-il à bout de bras une scène BD inexistante ? Pas vraiment, et c’est sans doute l’un de ses plus grands mérites : il a non seulement contribué à faire redécouvrir les classiques des années 1970-1980 (après Slim l’an dernier, il consacre une exposition au dessinateur Haroun cette année), mais aussi toute une jeune génération d’auteurs qui détonnent. Peu publiés, ils ne s’inspirent ni des classiques franco-belges ni des maîtres algériens, mais essentiellement des mangas japonais. Ils s’appellent Nime, Natsu, Togui… et se retrouvent sur le Web, notamment sur le site Dzarts (www.dzarts.net), sur le forum d’AccroTV (www.accrotv.net) et dans la revue Laabstore (publiée par Z-Link), laquelle possède son public puisqu’elle réussit la prouesse d’en être à son vingt-sixième opus, quand les magazines de BD tiennent généralement rarement plus de trois numéros.

Le Festival d’Alger leur a en partie permis de se faire connaître. Même si, comme le souligne RyMantys, jeune auteure qui appartient à cette communauté artistique informelle, « le festival n’est qu’une vitrine, une impulsion. Après, il faudrait que la machine fonctionne toute l’année, donc des revues, des albums… Or, les éditeurs algériens ne semblent pas intéressés ». « C’est un des axes sur lesquels nous avons choisi de travailler, répond Dalila Nadjem. Pour convaincre les éditeurs, il faut leur montrer qu’il existe un marché. C’est pourquoi, après le succès de l’année dernière, nous avons décidé de doubler la surface de la librairie pour les albums et les dédicaces. »

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Contenus partenaires