L’Afrique la culture et le progrès
Du 10 au 31 décembre prochain, le Sénégal accueillera la troisième édition du Festival mondial des arts nègres (Fesman). Quelque quarante ans après les deux premières éditions, qui se sont tenues à Dakar en 1966 et à Lagos en 1977, les Africains vont renouer avec un événement culturel majeur qu’ils commençaient à désespérer de revoir. Jalousement gardé secret, le programme des futures festivités est varié. Le moment fort de la cérémonie d’ouverture est un match de football opposant le Sénégal au Brésil, le pays qui compte, après le Nigeria, le plus de Noirs au monde. Haut lieu de l’histoire de la traite négrière, Gorée va accueillir des manifestations sur la littérature et des défilés de mode. Différentes places de Dakar, la capitale, vont abriter des activités : forum sur l’histoire au Méridien Président ; théâtre et danse au Théâtre national Daniel-Sorano ; diffusion de films africains à la place du Souvenir-Africain ; exposition d’art contemporain et sur la musique noire au Centre culturel français ; fenêtre sur l’art traditionnel au musée de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) en rénovation pour la circonstance… Les concerts, prévus place de l’Obélisque, au monument de la Renaissance africaine et à la cathédrale, seront bouclés par celui du célèbre rappeur sénégalo-américain Akon à Saint-Louis.
Toutes les entrées, tout comme les droits de télédiffusion, vont être gratuites. L’addition sera salée pour le Sénégal. Pour quel résultat ? Les avis sont partagés selon que l’on est pour ou contre le régime d’Abdoulaye Wade. Les partisans du Fesman soutiennent qu’il accroîtra le rayonnement international du Sénégal et donnera un coup d’accélérateur à sa production artistique. Ses détracteurs estiment, en dehors des critiques sur l’orientation et le programme, qu’il n’aura d’autre impact que de grever davantage les maigres ressources du pays tout en laissant aux Sénégalais le goût amer des lendemains de fête qui déchantent. À entendre les pourfendeurs du festival, l’art, la littérature, la culture… relèvent de préoccupations trop aériennes aux yeux d’un peuple qui peine à assurer son quotidien pour survivre.
Si ces arguments ne manquent pas de pertinence dans un contexte économique difficile, l’investissement dans la culture ne se fait pas qu’en pure perte. En témoigne la rentabilité de ce qu’on appelle aujourd’hui les industries culturelles. L’homme a aussi besoin de nourrir son esprit. Et les Africains ont besoin de création et de créativité. Après avoir été dominatrice pendant des siècles, sa culture a été rattrapée voire surpassée par d’autres.
Le continent africain doit renouer avec l’inventivité, l’efficacité, le travail. Max Weber l’a démontré depuis 1904 dans L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme : aucun peuple qui ne croit en son génie créateur ne peut se développer. Les Chinois, qui sont en passe de dominer le monde, ont assimilé l’enseignement de Confucius (vers 551-479 av. J.-C.) : « Seules la créativité dans l’art et l’ardeur dans le travail élèvent l’homme. » Les Africains gagneraient à s’inspirer de cette culture de progrès.
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