Renault-Flins, banc d’essai des Marocains

Le groupe automobile français forme dans son usine de Flins-sur-Seine, près de Paris, les cadres et les techniciens marocains de la future usine de Renault Tanger Med, qui doit ouvrir dans un an et demi. Reportage.

Oussama Ziouziou, futur chef d’équipe à Renault Tanger Med, en septembre à l’usine de Flins. © CAMILLE MILLERAND POUR J.A.

Oussama Ziouziou, futur chef d’équipe à Renault Tanger Med, en septembre à l’usine de Flins. © CAMILLE MILLERAND POUR J.A.

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Publié le 14 octobre 2010 Lecture : 5 minutes.

Automobile : nouveau moteur pour l’Afrique
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Automobile : nouveau moteur pour l’Afrique

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C’est dans la petite ville de Flins-sur-Seine, à 45 km à l’ouest de Paris, que se dessine l’avenir de l’industrie automobile du royaume chérifien. Renault a installé ici son centre de formation, Global Training Center (GTC), né fin 2008 pour standardiser et développer les compétences techniques du groupe. Depuis mai, il accueille les cadres et les techniciens de Renault Tanger Med, première usine de construction automobile du Maroc (hors unités de montage), qui doit démarrer en 2012. Les Tangérois sont à bonne école : l’usine, qui jouxte le centre de formation, a produit 17 millions de voitures depuis 1952. Dépositaire d’une longue tradition industrielle et sociale, elle fabrique aujourd’hui la Clio.

La préparation du personnel de Tanger est le plus grand projet du GTC. « Cette semaine, ils sont 125 stagiaires, un groupe hétérogène de cadres, techniciens et opérateurs », expliquait, fin septembre, Bernard Fraboulet, responsable du centre. Dans l’histoire de Renault, il faut remonter au lancement de l’usine brésilienne de Curitiba, en 1998, pour trouver un challenge comparable : former le personnel d’une usine implantée dans une ville qui n’a aucun passé automobile.

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Mohamed Bachiri, directeur des ressources humaines de Renault Maroc, est conscient du défi : « Nous sommes la première entreprise à nous lancer dans un plan de cette envergure dans le pays, et ce dans un délai serré de dix-huit mois ! » Les chiffres ont de quoi impressionner. D’ici à la fin de 2010, ils seront 360 salariés à avoir suivi le cursus de formation : un stage à l’usine de montage casablancaise de la Somaca (Société marocaine de construction automobile, contrôlée par Renault), deux à neufs mois de cours et ateliers à Flins, puis, pour certains, un passage dans une grande usine européenne.

Objectif 2012

De retour au pays, ils encadreront plus de 2 100 ouvriers, en cours de recrutement, qui débuteront à partir de janvier 2011 leur formation au Maroc. Début 2012, tous devront être prêts pour le démarrage de l’usine, qui doit fabriquer 170 000 véhicules dès la première année. Mais l’effort ne s’arrêtera pas là. L’année suivante, avec les montées en cadence (à terme, le groupe veut produire 400 000 véhicules par an), le nombre de salariés passera à 4 000 selon Renault. « Pour le moment, nous tenons le planning. Nous devrions être au rendez-vous », assure Mohamed Bachiri.

Dans les salles du GTC, agrandi et rénové pour le programme marocain, les stagiaires font une pause au milieu de leurs cours théoriques. Houda Kaaboun, 24 ans, fraîchement diplômée de l’école d’ingénieurs Mohammadia, a été recrutée début 2010 comme organisatrice industrielle. C’est elle qui préparera les chaînes de production. Elle ne regrette pas son choix de quitter les chemins de fer marocains, où elle travaillait depuis trois mois, pour le constructeur au losange. « Chez Renault, je suis dans une multinationale qui me confronte à des standards plus exigeants », observe cette Tangéroise énergique qui formera elle-même des techniciens au Maroc.

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« Un défi difficile »

Stagiaire dans la même session, Youssef Derouich, 30 ans, a été recruté comme chef d’atelier qualité. Ingénieur électromécanicien, il travaillait auparavant comme chef d’équipe chez un sous-traitant de Dassault Aviation à Casablanca. « En 2009, la crise a durement affecté le marché aéronautique, et j’ai commencé à regarder ailleurs. J’ai mis mon CV en ligne et Renault m’a contacté. Au service qualité, j’aurai à encadrer trente personnes. Je pourrai m’appuyer sur mon expérience de manager, mais il me fallait des compétences techniques complémentaires car je débute dans l’automobile », indique-t-il.

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À l’instar de ses collègues cadres de production, il ira passer plusieurs semaines dans une grande usine européenne. Pour lui, ce sera un retour à Flins, mais, selon les spécialités, d’autres se rendront à Pitesti (Roumanie), Bursa (Turquie) ou bien Valladolid (Espagne).

En formation dans une autre salle, Mohamed Younes Gannour, 28 ans, chef d’équipe adjoint, était auparavant technicien chez un fabricant de motocycles. « Ce qui me frappe ici c’est la rigueur dans l’organisation des postes de travail pour atteindre la qualité demandée. C’est un défi difficile », remarque ce Tangérois.

Après les salles du GTC, autre ambiance à l’école outillage. Dans un gigantesque hangar abritant machines, grues et ponts, les futurs outilleurs du poste d’emboutissage de Tanger Med suivent une formation approfondie de neuf mois. Ils seront les premiers à exercer ce métier au Maroc. Placés à côté des gigantesques presses de 10 m de hauteur, ce sont eux qui assureront la fabrication des pièces de carrosserie. Vingt-trois Marocains s’activent en blouse grise, aux côtés de Français des usines de Maubeuge et de Flins, eux aussi en apprentissage.

Mohamed Qorchi, un technicien jovial de 24 ans, est fier de son nouveau travail : « Ici j’ai été impressionné par la grandeur de l’usine, plus imposante que la Somaca. J’ai le sentiment de faire un métier spécial », explique-t-il. Entrer chez Renault représentait une opportunité pour cet ancien soudeur dans un garage de Fès : « Renault m’a ouvert une porte pour mon avenir. Je fais tout pour être opérationnel rapidement », assure-t-il, glissant au passage qu’il va pouvoir se fiancer grâce à ce travail stable.

Si les ouvriers et les cadres intermédiaires de Renault Tanger Med sont tous marocains, il n’en sera pas de même des dirigeants : « Pendant deux ou trois ans, les huit chefs de département [et probablement le directeur de l’usine, NDLR] seront des expatriés », indique Mohamed Bachiri, qui précise toutefois que chacun d’eux sera accompagné d’un adjoint marocain qui aura vocation à prendre la suite.

Relève locale

Mohamed Nidar Bakkali est l’un de ces adjoints triés sur le volet. Il est lui aussi en formation, mais dans le bâtiment de la direction de Flins. Diplômé de l’École nationale supérieure d’électricité et de mécanique de Casablanca (Ensem), cet ingénieur de 35 ans a travaillé dix ans à l’Office chérifien des phosphates (OCP) avant de se lancer dans un MBA aux Ponts et Chaussées de Paris. « À l’usine de Flins, raconte-t-il, j’accompagne le chef de la logistique, qui me fait part de tous ses problèmes et de ses décisions. » Ce qui frappe le cadre, ce sont les relations de travail, moins hiérarchiques que dans son précédent poste. « Les gens ont l’esprit d’équipe et acceptent les avis d’où qu’ils viennent », s’étonne-t-il.

Interrogés sur le succès du démarrage de l’usine en 2012, les Marocains en formation à Flins se disent optimistes : « On sera confrontés à la jeunesse des équipes, mais tout le groupe Renault sera derrière nous », affirme Mohamed Nidar Bakkali. Bernard Fraboulet est confiant, en raison de la motivation du personnel recruté : « Les formateurs et moi sommes frappés par la soif d’apprendre des stagiaires de Tanger. Ils vont jusqu’à nous reprocher de faire des formations trop courtes », s’amuse-t-il. Mohamed Nidar Bakkali avoue n’être « pas complètement rassuré », mais ajoute : « Si nous l’étions totalement, cela ne serait pas un défi. » Il reste environ un an et demi avant le démarrage de l’usine pour voir si la greffe de Flins prend à Tanger. 

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