La chute de la maison Loujkov
Froidement limogé par Medvedev et menacé de poursuites pour corruption, le maire de Moscou a sans doute du souci à se faire. Sa richissime épouse aussi.
À 74 ans, Iouri Loujkov se croyait indéboulonnable. Dix-huit ans de règne à la mairie de Moscou et son statut de cacique du parti présidentiel le mettaient, croyait-il, à l’abri des foudres du Kremlin. Édifiée par les mésaventures survenues à plusieurs oligarques (comme Mikhaïl Khodorkovski, dépouillé de ses biens et emprisonné), son épouse, Elena Batourina, la femme la plus riche de Russie, s’est toujours gardée de faire étalage de sa fortune : 2,3 milliards d’euros, selon le magazine américain Forbes. Simple employée de mairie avant son mariage, en 1991, cette redoutable petite dame au visage ingrat a fait de sa société, Inteko, un empire des BTP et de l’immobilier.
De là à accuser le couple d’avoir mis la ville sous coupe réglée, via l’attribution des marchés publics, il n’y avait qu’un pas que plusieurs chaînes de télévision ont franchi, début septembre, dans le cadre d’une virulente campagne orchestrée par le pouvoir. Dans la foulée, Loujkov a perdu deux procès que lui avaient intentés des opposants, avant d’être limogé par le président, Dmitri Medvedev, le 28 septembre, et lâché par le Premier ministre, Vladimir Poutine.
L’été aura été fatal à l’édile. Alors que ses administrés étouffaient dans Moscou cerné par les flammes, il coulait des jours paisibles dans sa villégiature autrichienne et faisait évacuer ses ruches bien aimées vers des régions épargnées par le sinistre. Début septembre, pour dissiper cette désastreuse impression, il a cru bon de critiquer Medvedev, qui lui paraissait le moins bien placé dans la course à la présidentielle de 2012, afin de s’attirer les bonnes grâces de Poutine. C’est raté. Menacé d’une enquête pour corruption, il a renoncé à contester son limogeage devant la justice.
