La troisième voie d’Ankara
Tout en sauvegardant ses liens avec l’Europe, la Turquie a opéré une série de rapprochements avec ses voisins. Arabes et non arabes.
Maghreb : le modèle turc
C’est un fantasme dans l’air du temps. La diplomatie turque s’islamiserait. Frustré par la fin de non-recevoir opposée à sa candidature à l’Union européenne, la Turquie aspire désormais à renouer avec son passé, à redevenir la grande puissance musulmane qu’elle avait été du temps de l’Empire ottoman. Elle ne peut plus être considérée comme un allié fiable de l’Occident. Ouverture en direction de l’Iran et du Hamas palestinien, amitié avec Damas, relations privilégiées avec les pays du Maghreb, refus de s’associer à la condamnation internationale du régime soudanais et du président El-Béchir, détérioration des relations avec Israël, l’ancien allié stratégique : les apparences plaident en faveur d’un tel fantasme. Mais qu’en est-il en réalité ?
La Turquie a opéré ces dernières années une série d’inflexions et de réajustements diplomatiques. Elle s’est rapprochée de l’ensemble de ses voisins. Arabes et non arabes. Elle a ainsi entamé un processus de normalisation avec la Grèce, qui a longtemps fait figure d’ennemi héréditaire, et tente de nouer des liens avec la République d’Arménie – pour le moment sans succès.
En mars 2009, Abdullah Gül est le premier président turc à se rendre en Irak, depuis trente-trois ans. En novembre de la même année, Ahmet Davutoglu, le ministre turc des Affaires étrangères, en visite à Erbil, y a rencontré le leader kurde irakien Massoud Barzani. Ces initiatives, encore impensables il y a quelques années, traduisent moins un désir d’hégémonie qu’une volonté de réconciliation. La Turquie souhaite évoluer dans un environnement régional apaisé. Davutoglu aime d’ailleurs à résumer sa ligne en une formule : « Zéro problème avec nos voisins ».
Parallèlement, Ankara a accru sa visibilité sur la scène internationale en prenant l’initiative, de manière unilatérale ou concertée, sur un certain nombre de dossiers chauds, comme la Palestine, les relations syro-israéliennes ou l’explosive question du nucléaire iranien. Ici encore, l’intention est transparente : la Turquie souhaite s’émanciper diplomatiquement et aspire à un rôle de médiation et d’influence en rapport avec son nouveau statut de puissance émergente, membre du G20, le nouveau directoire économique mondial.
Pas de rupture avec Tel-Aviv
Mais les Turcs savent jusqu’où ne pas aller trop loin. Ainsi, en dépit des rodomontades du printemps, Ankara n’a jamais sérieusement envisagé une rupture pure et simple avec Tel-Aviv, option qui aurait ruiné ses relations stratégiques avec Washington. Il semble d’ailleurs que l’heure soit à l’apaisement, en coulisses du moins, puisque Turcs et Israéliens ont repris des contacts secrets et se sont entendus pour une « désescalade verbale ». Enfin, les Turcs sont toujours engagés aux côtés des États-Unis en Afghanistan, même si, à l’instar des Français et des Allemands, ils renâclent à envoyer plus d’hommes dans ce bourbier.
La Turquie restera donc sans aucun doute un allié de l’Occident. Mais elle n’entend plus jouer le rôle du chaouch.
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