Mobilisation générale… ou presque
À Tamanrasset, le 26 septembre, l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger ont décidé de renforcer la coordination de leurs armées face à la menace djihadiste. Une mobilsation qui se concrétisera trois jours plus tard, par la création d’un centre commun de renseignement.
Le 26 septembre, dix jours après l’enlèvement, à Arlit (Niger), de sept employés des groupes français Areva et Satom par les salafistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), le comité d’état-major opérationnel conjoint, qui regroupe, depuis avril dernier, quatre pays sahéliens (Algérie, Mali, Mauritanie et Niger), s’est réuni à Tamanrasset sous la présidence d’Ahmed Gaïd Salah, le chef d’état-major de l’armée algérienne.
Avant de passer le témoin, après six mois d’exercice, à son homologue malien, le général de brigade Gabriel Poudiougou – le règlement intérieur prévoit une présidence tournante –, Gaïd Salah a exhorté ses interlocuteurs à renforcer au plus vite la coordination entre leurs armées respectives, leurs pays étant directement menacés par Aqmi.
Veto algérien
Certains observateurs se sont étonnés de l’absence du Maroc, de la Libye ou du Tchad. Mais à peine la délégation malienne avait-elle formulé le souhait d’élargir la coalition antiterroriste à d’autres États de la sous-région, et en particulier du Maroc, que l’Algérie opposait son veto : « Cette question a été tranchée avant même la création de notre structure, lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères des pays sahéliens, le 16 mars 2010, à Alger. » Dès cette première rencontre, en effet, lorsque le délégué du Burkina Faso avait évoqué une éventuelle participation du royaume chérifien, Abdelkader Messahel, le ministre algérien chargé des Affaires africaines et maghrébines, avait rétorqué : « J’ai consulté les livres d’histoire et de géographie, et je n’ai trouvé nulle trace de l’appartenance du Maroc à la région sahélienne. »
Les Algériens invoquent un second argument. L’un des problèmes auxquels ils doivent faire face, disent-ils, est le narcotrafic. Or près de 40 % de la drogue qui circule dans notre zone vient du Maroc.
Plus préoccupantes que les éternelles bouderies algéro-marocaines, les divergences apparues au cours de la réunion de Tamanrasset, qui traduisent un réel manque de confiance entre les partenaires de la coalition. Algériens et Maliens se reprochent mutuellement leur mollesse dans la lutte contre Aqmi. À Bamako, il y a quelques jours, un général de brigade de la police accusait les généraux algériens d’avoir un « intérêt direct dans le trafic de la drogue ». Des officiers algériens tiennent des propos similaires à l’endroit de leurs homologues maliens. Cette suspicion réciproque explique sans doute le peu d’enthousiasme des autorités militaires maliennes à l’égard de l’état-major conjoint basé à Tamanrasset, surnommé « la coquille vide ».
Naissance du CRS
Le ton a changé depuis la réunion du 26 septembre. À Koulouba, quarante-huit heures après l’événement, le président Amadou Toumani Touré (ATT) confiait : « On ne m’a pas encore rendu compte de la teneur exacte de cette rencontre, mais les échos qui me sont parvenus m’incitent à croire au processus de Tamanrasset. Des actes concrets ont été posés. » Résolument optimiste, le chef de l’État malien veut croire que son successeur (la Constitution l’empêche de briguer un nouveau mandat en 2012) n’aura pas à faire face à une menace djihadiste dans le nord du Mali. « Si la détermination affichée est suivie de décisions concrètes, l’affaire sera pliée en quelques mois. Au plus tard au cours de l’année 2011. »
La première décision prise à Tamanrasset a été d’accélérer la mise en place d’une structure de coordination en matière de renseignement. Trois jours plus tard, les chefs des services de sécurité des quatre pays (le général major Attafi pour l’Algérie, le colonel Mamy Coulibaly pour le Mali, Mohamed Ould Meguett pour la Mauritanie, et le commissaire Mamane Chekaraou pour le Niger) ont signé, à Alger, l’acte de naissance du Centre de renseignement sur le Sahel (CRS), qui y sera basé. Composé d’officiers de haut rang issus des quatre pays membres, sa direction, tournante, est aujourd’hui assurée par Attafi, de son vrai nom Rachid Laalali, patron du contre-espionnage et coordonnateur de la lutte antiterroriste en Algérie.
Il lui incombe désormais de rendre le CRS opérationnel et d’assurer sa coordination avec le Centre africain d’études et de recherches sur le terrorisme (Caert), une institution située à El-Harrach, dans la banlieue d’Alger, et placée sous la tutelle du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine. L’accélération du « processus de Tamanrasset », comme l’appelle ATT, est la conséquence de l’opposition des Algériens et des Maliens à toute intervention étrangère dans la sous-région.
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