Cameroun : pourquoi AES s’en va

Le groupe américain, actionnaire à 56 % du producteur d’électricité AES-Sonel, a mis ses parts en vente. Ses relations avec Yaoundé s’étaient pourtant améliorées ces derniers temps.

Le démarrage récent de la centrale de Kribi a permis d’ajouter 216 MW. © AES Sonel

Le démarrage récent de la centrale de Kribi a permis d’ajouter 216 MW. © AES Sonel

Publié le 6 juin 2013 Lecture : 4 minutes.

Longtemps, Jean-David Bilé, directeur général d’AES-Sonel, a voulu faire du principal producteur d’électricité au Cameroun un modèle de gestion en Afrique centrale. Mieux encore, AES, actionnaire de référence depuis la privatisation de la Société nationale d’électricité en 2001, souhaitait faire du Cameroun la base de son expansion panafricaine. Le groupe américain a finalement décidé de plier bagage. Selon nos informations, il cherche à revendre les 56 % qu’il détient dans AES-Sonel, le reste étant entre les mains de l’État.

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Difficile de savoir avec précision quand les négociations ont commencé autour de cet actif hautement stratégique pour l’avenir du pays – les différentes parties prenantes à cette opération gardent le silence le plus total. Mais c’est en avril que le fonds d’investissement Actis, l’un des candidats à la reprise, a saisi plusieurs cabinets d’avocats pour être conseillé dans la rédaction des actes d’acquisition du géant électrique camerounais.

Si le sujet reste si sensible, c’est notamment en raison des relations longtemps compliquées entre AES et Yaoundé. Les débuts du groupe américain dans le pays avaient en effet été marqués par des délestages récurrents, des augmentations du prix du kilowattheure et de vives critiques de la part de la population. « Pendant plus de dix ans, la production n’a pas augmenté à l’exception du programme d’urgence pour quelques villes financé par le gouvernement », explique Gregor Binkert, directeur des opérations pour la Banque mondiale en Afrique centrale. Toutefois, les investissements consentis ont récemment permis de faire passer la production totale à plus de 1 000 MW fin 2012, soit une hausse de 30 % par rapport au début de la décennie. Le démarrage récent de la centrale de Kribi a permis d’ajouter 216 MW. Si bien que le calme était revenu entre les deux actionnaires de la société.

AES c’est
748 M€ d’actifs
346 M€ de CA 2012
800 000 clients
1 238 MW de capacité

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Incompréhension

Pour expliquer le départ annoncé d’AES, c’est donc ailleurs qu’il faut chercher. Coté à la Bourse de New York, le groupe d’Arlington fait face à l’incompréhension de ses actionnaires, qui lui reprochent le manque de lisibilité de sa stratégie. « AES est un groupe très complexe, présent dans 25 pays, qui cherche à simplifier son fonctionnement, souligne un analyste basé à New York. Depuis 2011, à la faveur de l’arrivée d’un nouveau dirigeant, AES a décidé de quitter cinq pays – Chine, France, Hongrie, République tchèque et Ukraine – et a revendu pour plus de 1 milliard de dollars d’actifs à travers le monde. Il s’agit d’actifs « non clés », pour lesquels il n’a pas atteint la masse critique permettant de réaliser une marge intéressante, ou bien ceux qui ne constituent pas une plateforme assez solide pour assurer un développement ultérieur. » En février, AES a ainsi revendu sa filiale ukrainienne pour 113 millions de dollars. Une filiale dont les revenus sont à peu près équivalents à ceux générés au Cameroun, mais dont les actifs sont dix fois inférieurs à ceux d’AES-Sonel.

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Du coté des acheteurs potentiels, c’est Actis qui tiendrait la corde, devant Finagestion.

« Leur retrait d’Afrique ne serait pas étonnant », tranche une autre analyste, qui évalue à moins de 1 % la part du Cameroun dans les bénéfices d’AES. C’est peu de dire que le pays d’Afrique centrale ne pèse pas lourd dans les comptes du géant international, lequel a réalisé un chiffre d’affaires 2012 de 18,1 milliards de dollars et emploie 25 000 collaborateurs. Le développement africain, qui s’était traduit il y a quelque temps par la création d’un holding, AES African Power Company, a fait long feu. En dehors du Cameroun, AES n’est présent qu’au Nigeria.

Atouts

Du côté des acheteurs potentiels, c’est, selon nos informations, Actis qui tient la corde. Si elle se refuse à commenter l’opération, tout comme AES, la société britannique d’investissement en fonds propres est familière des infrastructures énergétiques. Elle pilote ainsi la centrale d’Azito, la plus grande de Côte d’Ivoire, et d’autres actifs au Kenya et en Tanzanie. Finagestion, l’ancienne filiale de Bouygues rachetée par le fonds d’investissement panafricain Emerging Capital Partners (ECP), fait également partie des candidats, avec de sérieux atouts : elle possède déjà la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) et la Compagnie ivoirienne de production d’électricité (Ciprel). Annoncé parmi les prétendants, l’américain ContourGlobal a démenti toute participation au processus. « Le vainqueur ne sera pas forcément le plus offrant, souligne un banquier d’affaires. N’oublions pas que l’État, qui détient près de la moitié des parts, souhaitera non pas une offre généreuse mais un véritable projet industriel. »

Reste une ultime hypothèse, évoquée par un avocat basé à Paris : « La société se décompose en réalité en trois entités : AES-Sonel, Kribi Power Development Company et Dibamba Power Development Company, toutes détenues à 56 % par AES via des holdings basés aux Pays-Bas. Il est toujours possible que AES cherche à revendre par appartements à trois acheteurs distincts. » En attendant le dénouement, le groupe reste victime d’un niveau d’endettement excessif. Le produit de la vente de ses actifs à travers le monde a été jusqu’à présent consacré pour moitié à la réduction de sa dette.

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