Lapidations symboliques

Fawzia Zouria

Publié le 3 octobre 2010 Lecture : 2 minutes.

Puisque la France a le goût des pétitions, allons-y et signons celle qui appelle à sauver l’Iranienne Sakineh Mohammadi. En tant que femme, je prends ostensiblement le parti des filles d’Ève. Qu’elles soient victimes ou coupables, elles ont tellement souffert par le passé, partout sur la planète, qu’on peut leur pardonner pour les siècles des siècles…

Maintenant, s’il faut que j’analyse le problème en tant que journaliste, je me dois de poser des questions élémentaires. Sakineh a-t-elle ou non trempé dans le meurtre de son mari ? Ses aveux ont-ils été extorqués ou pas ? La sentence concerne-t-elle l’adultère ou la complicité d’assassinat ? Si complicité il y a, la loi des hommes punit le coupable, qu’on le veuille ou non. Et si la sentence prévue est la pendaison, cette condamnation existe dans des pays aussi « civilisés » que les États-Unis, qui viennent d’ailleurs d’exécuter Teresa Lewis, accusée de complicité dans le meurtre de son mari et par ailleurs déficiente mentale. Qu’on soit pour ou contre la peine de mort.

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En tant que musulmane, cette fois, je ne me sens pas impliquée. Bien que censée faire partie de la Oumma, je ne connais pas cette pratique sous nos cieux maghrébins. Les hommes qui lapident leurs femmes, pour la Tunisienne que je suis, ça me choque autant que ça choque Carla Bruni. D’ailleurs, sans le vouloir, la première dame de France a disculpé la religion de « Mahomet ». Dans sa lettre à Sakineh, Carla écrit : « Vous êtes enterrée vivante. » Preuve que ce n’est pas l’islam le responsable, bien au contraire : l’une de ses premières prérogatives fut d’interdire la pratique qui consistait alors à enterrer les filles vivantes. Et si je veux discourir en tant que savante – ce que je ne suis point –, je défierai quiconque de trouver le mot ou le concept de lapidation dans le Coran.

Vous pouvez me répondre que ça ne sert à rien d’aller voir si le voile, la lapidation et autres moyens d’oppression des femmes existent ou non dans le texte sacré, quels en étaient l’usage ou les raisons, et je serai d’accord avec vous. En tant que laïque, je conseillerais de faire comme en Tunisie : inventer une loi moderne, qui est la seule garante du droit des femmes.

Au fait, je disais au début que je signerai pour Sakineh. Et ce, malgré tout le mal que je pense de Docteur ès pétitions, Bernard-Henri Lévy – BHL de ses initiales –, dont l’implication dans cette affaire est bonne pour enfoncer la pauvre inculpée. Lui qui justifie son initiative en déclarant que « c’est une situation humanitaire peu commune » peut s’entendre répliquer que des « situations humaines peu communes » on en connaît, à Gaza, par exemple, où les femmes meurent sous les balles de l’occupant ; en Arabie, où la lapidation a cours dans le désert, gorgé de pétrole, il est vrai.

En tant que Française, enfin, n’en déplaise à Brice Hortefeux, je veux bien qu’un gouvernement qui a déclaré la « France responsable de Sakineh » se dise aussi responsable de ma retraite et de mon chômage annoncé. Je veux donc bien signer une pétition contre la déchéance de la nationalité, qui sera pour certains une punition inhumaine. Et contre la chasse aux Roms, symboliquement aussi violente qu’une lapidation. 

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