Le Parlement, chef d’œuvre en péril

Président de l’Union interparlementaire (UIP) et de l’Assemblée nationale namibienne, Theo-Ben Gurirab dénonce le désintérêt sinon la méfiance, des citoyens à l’égard des hommes politiques.

Publié le 1 octobre 2010 Lecture : 3 minutes.

Si vous demandez à nos congénères ce qu’ils pensent des dirigeants politiques, la réponse ne sera sans doute pas flatteuse. Corrompus, inefficaces ou – pis encore – m’en fiche ! Rares sont les citoyens qui affirmeront spontanément être bien représentés par leurs élus au Parlement. Ils se défient généralement des responsables politiques. Les Nations unies ont proclamé le 15 septembre Journée internationale de la démocratie. Sans doute est-ce là une bonne occasion de dresser un état des lieux de la démocratie dans nos pays. Et, en ma qualité de président de l’Union interparlementaire – organisation qui regroupe les Parlements du monde entier –, j’adresse un message à certains de nos jeunes.

Nombre d’entre nous hésitent à s’adresser aux responsables politiques pour résoudre leurs problèmes. Les citoyens ordinaires, qui ont le sentiment que l’on ne peut rien changer dans un monde de plus en plus effrayant, pensent que la politique ne fait, le plus souvent, qu’aggraver encore les difficultés. Lorsque les solutions politiques leur paraissent bancales, ce qui n’est pas rare, ils se tournent vers d’autres organisations et groupes pour se sentir valorisés. En échange de plus de certi­tudes, ils reçoivent moins de démocratie.

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La démocratie a beaucoup progressé ces dernières décennies. La fin de la guerre froide s’est accompagnée d’une vague pluraliste qui a balayé des Parlements jusqu’alors non représentatifs. Et les pays qui, aujourd’hui, ne sont pas dotés d’un Parlement en exercice se comptent sur les doigts d’une main : Fidji, Guinée, Madagascar, Birmanie, Niger… Il faut certainement se réjouir qu’un si grand nombre de pays soient régis par des principes et des pratiques démocratiques. Mais comment expliquer alors cette désillusion généralisée que suscitent les démocraties et, plus particulièrement, les Parlements ? Cela provient-il d’une incapacité à être à la hauteur des idéaux et des normes que promeuvent leurs textes fondateurs ? Les carences observées sont multiples : des Parlements qui affichent un pluralisme de façade mais ne respectent pas les droits de l’opposition ; des Parlements où des partis tout-puissants n’accordent à chaque parlementaire aucune marge de manœuvre pour des propositions individuelles ; des parlementaires qui s’octroient des indemnités outrageusement élevées et abusent de leurs privilèges matériels.

Cela explique certaines choses mais pas tout. En vérité, la politique n’a jamais été propre. Abraham Lincoln disait que les gens qui n’ont pas de vices ont bien peu de vertus. Mon prédécesseur à la tête de l’UIP, l’ex-président de la Chambre des députés italienne Pier Ferdinando Casini, interrogé sur ce qu’il dirait à des jeunes, a répondu : « À quoi bon avoir les mains propres si vous les gardez dans les poches ? Les jeunes doivent se salir les mains et s’engager en politique. Parce que plus la politique est politicienne, plus elle s’éloigne du peuple. »

La politique est un sport de combat. C’est une joute où les erreurs sont rarement pardonnées. Pour être utile en politique, il faut posséder l’art du compromis. Le Parlement est le lieu même du compromis. C’est là qu’idéaux et ambitions opposés s’affrontent, où les uns et les autres acceptent de rogner sur leurs exigences par souci du bien commun. Les citoyens ont besoin d’un lieu où ceux qui sont élus pour les représenter peuvent se frotter les uns aux autres pour forger un avenir réaliste dans l’intérêt général. Ce lieu est le Parlement. Nul autre lieu ne remplit cette fonction.

La « responsabilité en politique » est le thème retenu par l’UIP pour la Journée internationale de la démocratie. Il s’agit de renforcer les liens entre le Parlement et les citoyens. Les responsables politiques, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, doivent prêter davantage attention à ce que leur disent les électeurs. Mais cela vaut dans les deux sens. Pour que la vie politique fonctionne bien, il faut que les citoyens s’y intéressent, en particulier les jeunes des deux sexes. Ils doivent se retrousser les manches dans ce qui est la salle des machines de la démocratie et – pourquoi pas – briguer un siège au Parlement.

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Le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple est un idéal fort. Mais pour qu’il s’accomplisse nous devons nous investir durablement et vigoureusement dans cette institution suprême de la démocratie qu’est le Parlement. Et nous appuyer sur des responsables prêts à travailler dur et à trouver des compromis pour le bien de leur pays. Sinon, les idéologies les plus incendiaires l’emporteront. 

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