Olivier de Schutter : « Je dénonce l’iniquité des règles »

Spécialiste belge du droit à l’alimentation, il regrette les discours de bonnes intentions et appelle à la réforme des règles du commerce mondial, qui, par leur iniquité, écartent d’office le continent africain.

Olivier de Schutter est le rapporteur des Nations unies pour le droit à l’alimentation. © D.R.

Olivier de Schutter est le rapporteur des Nations unies pour le droit à l’alimentation. © D.R.

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Publié le 8 octobre 2010 Lecture : 3 minutes.

À la conquête de l’or vert africain
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À la conquête de l’or vert africain

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JEUNE AFRIQUE : En Afrique, plus de 200 millions d’hectares de terres cultivables sont disponibles et très convoités. Est-ce inquiétant ?

OLIVIER DE SCHUTTER : Après l’absence d’investissements depuis les années 1980, c’est vrai qu’il y a un regain d’intérêt pour les pays du Sud, là où la terre est disponible et la main-d’œuvre peu chère. Les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) craignent de ne plus avoir assez de place pour cultiver et investissent massivement dans les grandes exploitations. Mais la plupart des projets servent à développer les exportations. Les retombées pour les pays hôtes sont insignifiantes.

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Comment améliorer le système ?

Les concessions faites aux investisseurs sont considérables et sans contrepartie. Regardez le Mozambique, qui, d’un côté, importe 305 000 tonnes de blé pour sa consommation – ce qui le rend vulnérable aux cours mondiaux –, et, de l’autre, offre des conditions très avantageuses aux exploitants étrangers, comme l’exonération de taxes et de droits d’entrée. Les bénéfices retirés pour le pays sont minimes. Les investisseurs pourraient s’engager, auprès des petits exploitants, à organiser des coopératives, développer les moyens de stockage. L’État pourrait de son côté acheter les récoltes et faciliter l’accès au crédit.

Pourquoi les États africains ne sont-ils pas plus fermes ?

Ils ont besoin de cet argent, et les investisseurs font de la surenchère d’un pays à l’autre. Il est très difficile pour les pays de la région de faire front commun, car le degré d’intégration régionale est insuffisant.

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Le rapport de la Banque mondiale [BM] publié le 7 septembre* alerte sur les risques liés à la ruée vers l’or vert. L’institution est-elle méfiante à l’égard des fonds d’investissement ?

D’abord, le discours de la BM est contradictoire avec les actions de son bras armé pour le secteur privé, la Société financière internationale [SFI], qui encourage les États africains à limiter au maximum les contraintes qui pèsent sur les investisseurs et à leur donner des garanties juridiques fortes.

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Ensuite, à la question « les investissements seront-ils bénéfiques à long terme ? », la réponse de la Banque mondiale est d’énumérer les conditions pour qu’ils le soient. Or la vraie question est de savoir si les terres disponibles doivent prioritairement bénéficier aux investisseurs étrangers ou aux paysans locaux. L’accès doit être équitable. Car l’important ce n’est pas l’investissement mais la manière de faire reculer la pauvreté dans les campagnes.

Les pays ne profiteront-ils pas de cette manne pour acquérir technique et savoir-faire, devenir plus compétitifs et faire reculer la pauvreté ?

Il ne faut pas confondre productivité et compétitivité. Dans la révolution verte opérée en Asie, la capacité de production a augmenté de 8 %, et la population malnutrie a augmenté de 9 %. En Amérique latine, la proportion est de 8 % et 17 % ! Si on laisse se développer les grandes exploitations, les petites vont disparaître, et les paysans vont rejoindre les villes. La petite agriculture préserve l’emploi, la nature limite l’exode, c’est la meilleure façon de faire baisser la pauvreté.

La petite agriculture peut-elle subsister dans la mondialisation ?

Pas dans l’économie low cost, ni avec l’iniquité des règles du commerce mondial, que je dénonce. Les pays de l’OCDE s’étaient engagés lors du sommet de l’Organisation mondiale du commerce [OMC] en 2005 à supprimer leurs subventions. En 2008, l’Union européenne les a restaurées sur le lait. Les soutiens aux producteurs et les normes faussent la concurrence. Le discours est : « Ouvrez vos marchés, vendez vos produits, on les transformera. » L’Afrique dépend des importations et est vulnérable aux prix mondiaux. Elle doit se diversifier, se protéger, ne pas se laisser enfermer dans la production de matières premières et développer son marché intérieur pour écouler sa production.

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* « L’intérêt croissant pour les terres agricoles dans le monde peut-il apporter des bénéfices équitables à long terme ? »

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