Les îles Kerkennah ou l’archipel de la parité hommes-femmes

Sur les îles Kerkennah, depuis toujours, les femmes sont marins pêcheurs. Pour elles, le problème de l’égalité entre hommes et femmes ne s’est jamais posé.

Djellali Saïda, 72 ans, l’une des 218 femmes inscrites au registre des pêcheurs de l’archipel. © ONS ABID POUR J.A.

Djellali Saïda, 72 ans, l’une des 218 femmes inscrites au registre des pêcheurs de l’archipel. © ONS ABID POUR J.A.

Publié le 5 octobre 2010 Lecture : 2 minutes.

Tunisie : où (en) sont les femmes ?
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Tunisie : où (en) sont les femmes ?

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À une vingtaine de kilomètres au large de Sfax, une population métissée, née, au fil des siècles, de l’apport de migrants méditerranéens, se distingue par son esprit libre. Sur l’archipel des Kerkennah, la légende veut que les femmes soient des descendantes de Circé (c’est sur l’archipel qu’Ulysse aurait rencontré la magicienne). Elles ne jettent pas de sorts, mais sont vénérées par les hommes comme des déesses.

Et, s’ils leur rendent grâce avec un enthousiasme et un respect jamais feints, c’est que, depuis toujours, elles sont leurs partenaires, sur terre comme sur mer. « Ici, les acquis des femmes ne sont jamais évoqués car ils vont de soi. Nous sommes élevées dans cette liberté d’être et d’agir au même titre que les hommes. Pour nous, c’est une transmission familiale et sociale évidente », explique Fatma Samet, une artiste qui interprète le tissage traditionnel des îles.

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Les Kerkenniens sont atypiques, même si seule une petite heure de bateau les sépare de Sfax. L’insularité et les conditions de vie rudes les font aller à l’essentiel. Leur microcosme s’est construit à partir du bon sens de ceux qui dépendent de la mer. Les Kerkenniennes perpétuent une activité féminine millénaire, celle de la cueillette, et elles récoltent les produits des champs comme ceux de la mer : 218 femmes sont inscrites au registre des pêcheurs de l’archipel, certaines possédant même leur propre embarcation.

Maître à bord après Dieu, la vieille Salha Bent el-Bouri a sillonné le golfe de Gabès, pratiquant aussi bien « la sautade » – la pêche au mulet – que la pêche au poulpe. Le visage buriné et taillé à la serpe, un bonnet enfoncé jusqu’aux sourcils, Salha a perdu le sourire depuis que sa barque, Babour Farhoud, s’est échouée. Mais la mer ne lui a pas ôté son gagne-pain puisque, comme beaucoup de Kerkenniens, Salha exploite une charfia, une pêcherie fixe, où le poisson est pêché à la nasse.

Le bon sens insulaire

Sur les îles Kerkennah, les terres semblent être le prolongement de ces lopins de mer dont la concession se transmet en famille ou se loue à l’État. Là encore, ce sont les femmes qui tissent le lien entre la mer et la terre. De manière instinctive, elles veillent à préserver l’environnement et à réguler les récoltes. Dans les champs, elles exploitent l’orge, l’olivier, le figuier, la vigne et le palmier dattier, qui permet aussi de produire du vin de palme. L’arbre donne ­surtout la matière première d’un artisanat de paniers, nasses et claies, indispensables aux pêcheries et à la pêche.

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Ici, tout commence par la mer et retourne à la mer. Sur l’archipel, une philosophie simple permet de faire tourner la barque. La parité hommes-femmes est pratiquée au quotidien, sans y penser. Le premier qui rentre à la maison cuisine et s’occupe des enfants. « Il ne faut pas s’étonner de l’équilibre qui règne sur les îles Kerkennah : quand un monde est régi par le bon sens, il ne peut générer que de la cohérence », souligne Fatma Samet.

La notion de chef de famille est aussi partagée. La femme est un coéquipier dont le rôle est essentiel ; à ce titre, elle est consultée pour les mariages, ainsi que pour toutes les décisions importantes. Dans l’escarcelle des noces, une jeune épousée n’apporte pas de trousseau, mais un état d’esprit. 

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