L’esprit des lois
Promulgué sous le gouvernement Bourguiba, le code du statut personnel (CSP), qui regroupe un ensemble de lois progessistes, a donné à la femme tunisienne une place singulière dans le monde arabe. 54 ans après, où en est l’émancipation féminine en Tunisie ?
Tunisie : où (en) sont les femmes ?
En août 2006, lors de la célébration du cinquantième anniversaire du code du statut personnel (CSP), le regretté Philippe Séguin, ex-ministre français natif de Tunis, évoquait en ces termes l’exemple tunisien en matière d’émancipation féminine : « Quelle audace stupéfiante, dans une Tunisie à peine arrivée à la liberté ! Bien d’autres pays n’ont pas réussi. Plus, ils glissent sur une pente inverse. »
Il suffit, en effet, de déplier la carte du monde arabo-musulman pour voir qu’entre le statut juridique des Tunisiennes et celui qui prévaut dans le reste de la région arabe il n’y a pas photo. En effet, même si, désormais, dans les autres pays musulmans, la vie politique fait une petite place aux femmes, fût-ce sous le niqab, les harems – comme on les appelait naguère – continuent d’obéir à la charia, du Caire à Tripoli, de Beyrouth à Casablanca.
Tel n’est pas le cas en Tunisie. Grâce à une tradition féministe, à une lecture éclairée des sources coraniques et à une législation révolutionnaire inscrite dans le code institué dès l’indépendance, l’émancipation des Tunisiennes n’a cessé d’évoluer. Le CSP donne aux femmes le droit de s’instruire, de voter et de se marier librement. Il interdit la polygamie, institue le divorce judiciaire et donne à la mère le droit de tutelle sur ses enfants mineurs. Il garantit le principe de l’égalité entre l’homme et la femme, le contrôle des naissances et la non-discrimination devant l’emploi.
Garder le cap
De nouvelles mesures, édictées par le régime du 7 Novembre, viennent conforter cette avancée. Autant de faits et d’avancées, étudiés et chiffrés dans le pays comme par les organismes internationaux, sont là pour prouver la féminisation réelle de la vie publique, de tous les secteurs de l’économie, ainsi que l’amélioration constante de la qualité de vie des Tunisiennes.
Néanmoins, un écart pointe entre l’orientation moderniste de la juridiction et le recul des mentalités de certains, entre l’esprit des lois et le comportement de la rue. L’on se demande alors si le CSP est à l’abri, si les acquis qu’il a permis ne risquent pas, un jour, d’être remis en question. Et l’on se surprend à croiser les doigts pour que la Tunisie maintienne le cap de l’émancipation féminine, moteur de son projet de modernité.
Par conséquent, s’il faut se féliciter des droits acquis par la femme tunisienne, il faut aussi veiller à les conserver. Ce qu’exprimait Philippe Séguin en rappelant que « la Tunisie doit plus que jamais se battre, à l’heure où certaines chaînes internationales s’appliquent à diffuser, au cœur du foyer tunisien, un message réactionnaire », avant d’enchérir : « Il faut encore et encore saluer la résistance tunisienne et son code d’une modernité saisissante ! »
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