Léhady Soglo, l’âge d’homme
Le premier adjoint à la mairie de Cotonou a succédé à sa mère à la tête de la Renaissance du Bénin (opposition). Et ses parents n’ont pas été les plus faciles à convaincre.
À bientôt 50 ans, Léhady Soglo vient de prendre un sacré coup de vieux. Celui qui a toujours avancé sur les traces de son père, l’ancien président béninois Nicéphore Soglo, et de sa mère, Rosine Soglo, est enfin en mesure d’exercer un pouvoir plein et entier. Le 19 septembre à Abomey, l’ancienne capitale royale et le fief de la famille, il a succédé à « Maman Rosine » à la tête de la Renaissance du Bénin (RB, l’un des principaux partis d’opposition), selon un scénario qui ne faisait aucun doute : pas d’adversaire déclaré, un passage de témoin par filiation scénarisé à la tribune, des congressistes acquis à la cause et un vote par acclamation…
« Peu m’importe que l’on puisse penser que j’ai hérité du parti [créé en 1992 par sa mère tandis que son père était au Palais de la Marina]. Car les choses n’ont pas été simples : j’ai dû me battre, et mes parents ont été des professeurs exigeants. Ils m’ont testé », explique celui qui fut le candidat de la RB à l’élection présidentielle de 2006, finissant quatrième avec 8,5 % des voix. Depuis ce premier test grandeur nature, ce « bon fils » n’a cessé d’aiguiser ses appétits et d’assumer au grand jour son « destin présidentiel ». Premier adjoint de son père à la mairie de Cotonou depuis 2003, il est parvenu progressivement à s’affranchir de l’encombrante, et parfois ombrageuse, tutelle paternelle.
Mais pour contrôler ce qui s’apparente à une PME familiale, l’affaire a été autrement plus compliquée. Car si Rosine est une louve en famille, elle est une lionne en politique. À près de 80 ans, cette députée assidue à l’hémicycle depuis plus de seize ans et opposante intraitable au président Boni Yayi a joué la montre. « Léhady, tu dois être patient. Roi, cela s’apprend », tranchait en juin dernier « Madame la présidente » devant son aîné, silencieux mais ruminant son amertume de ne pas avoir été soutenu par ses propres parents dans la course à l’investiture pour la présidentielle de 2011. À l’issue d’une sourde mais farouche compétition au sein de la coalition de l’opposition, l’Union fait la nation (Un), le fin tacticien Adrien Houngbédji (67 ans) a été préféré. L’ancienneté contre la jeunesse. L’art du compromis contre une certaine impulsivité.
Problème de confiance
Outre l’écart de voix en 2006 entre les deux hommes (Houngbédji avait obtenu 24,2 % des suffrages), Emmanuel Golou, vice-président du Parti social démocrate (PSD) – une composante de l’Un – aborde frontalement les raisons de ce choix : « Houngbédji est un homme de consensus. Léhady est plus unilatéral. Il y a eu un problème de confiance entre la vieille génération et Léhady, qui doit s’ouvrir aux autres et ne pas être uniquement concentré sur sa personne. » « En raison de son âge, nous devions soutenir Houngbédji car c’est sa dernière chance selon la Constitution », ajoute Rosine Soglo.
À l’initiative de ce rassemblement politique – une révélation à La Mecque lors d’un pèlerinage –, le premier adjoint de Cotonou a difficilement accepté cette « prime à l’ancienneté » qui l’a empêché de piloter le véhicule qu’il avait lui-même imaginé. « Si j’avais été président de mon parti, il en serait allé autrement : il faut être maître chez soi pour convaincre les autres, analyse-t-il. Mais à présent, il me reste à transformer l’essai : faire gagner notre candidat l’année prochaine et me préparer pour 2016 avec un parti rénové, en reconquête des territoires perdus ces dernières années. » Ceinture noire de taekwondo, celui qui croyait gagner par K.-O. dispose de plus de cinq ans pour adoucir et arrondir sa technique de conquête du pouvoir.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Politique
- Sextapes et argent public : les Obiang pris dans l’ouragan Bello
- À Casablanca, la Joutia de Derb Ghallef en voie de réhabilitation
- Présidentielle en Côte d’Ivoire : la stratégie anti-fake news d’Alassane Ouattara
- En RDC, la nouvelle vie à la ferme de Fortunat Biselele
- Gabon : 10 choses à savoir sur la première dame, Zita Oligui Nguema