Eaux douces : développement versus biodiversité
Poissons ou mollusques, crabes ou plantes aquatiques… Selon les experts, 21 % des espèces sont menacées de disparition. Biodiversité et développement font rarement bon ménage.
Connaissez-vous Afrithelphusa monodosa ? À moins d’être un spécialiste des crustacés ou un habitant du nord-ouest de la Guinée versé en latin scientifique, il est peu probable que vous ayez jamais entendu parler de ce fort sympathique « crabe pourpre des marais ». Pis ! Il n’y a guère de chance que vous en entendiez parler un jour, vu qu’il est de plus en plus rare – et figure à ce titre sur la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). Alors que Libreville (Gabon) vient d’accueillir la première conférence panafricaine sur la biodiversité (sur le thème « Biodiversité et lutte contre la pauvreté : quelles opportunités pour l’Afrique ? »), l’IUCN a publié un rapport inquiétant sur les espèces d’eau douce du continent.
Pendant cinq ans, et en dépit d’un manque de données handicapant, quelque 200 scientifiques se sont penchés sur le sort de 5 167 espèces d’eau douce – mollusques, crabes, libellules, demoiselles, poissons, plantes… Résultats de leurs recherches : 21 % d’entre elles sont menacées d’extinction. En Afrique de l’Ouest, 14 % des 1 395 espèces étudiées sont considérées comme menacées. En Afrique du Nord, le chiffre atteint 28 % des 877 espèces étudiées… Et alors ? En quoi la disparition d’Oreochromis karongae – commun dans le lac Malawi, mais dont la population a décru de 70 % en dix ans – serait-elle un drame ? Ceux pour qui ce poisson représente une importante source d’alimentation ont la réponse. De même, la disparition possible de plusieurs espèces de cichlidés présents dans le lac de cratère Barombi Mbo (Cameroun) risque d’avoir des répercussions directes sur les populations locales. Le rapport de l’IUCN consacré à l’Afrique de l’Ouest identifie pour sa part cinq zones d’action prioritaires où la biodiversité devrait être protégée au plus vite : les régions côtières du sud de la Guinée, la rivière Jong en Sierra Leone, la lagune Ébrié en Côte d’Ivoire, les rivières Ouémé et Ogun au Bénin, ainsi que l’ouest du Nigeria et le delta du Niger. En Afrique de l’Est, dans le lac Victoria – l’histoire de l’introduction de la perche du Nil est connue –, 45 % des 191 espèces recensées sont menacées ou d’ores et déjà éteintes.
Sédiments et pesticides
Cette situation s’explique. Le développement économique n’est pas bon pour la biodiversité. L’agriculture, les barrages, l’extraction d’eau, la déforestation, la pollution, l’introduction d’espèces exotiques sont en grande partie responsables de la raréfaction de certaines espèces. Tilapia busumana est ainsi menacé, au Ghana et en Côte d’Ivoire, en raison de la déforestation et de l’agriculture, qui accroissent respectivement les quantités de sédiments et celles de pesticides contenus dans les eaux.
En Afrique, ce sont tout de même 7,5 millions de personnes qui vivent directement ou indirectement de la pêche en eau douce. D’où l’appel de l’IUCN : « Nous espérons que les décideurs africains feront maintenant les bons choix en vue de l’exploitation durable de leurs ressources en eau, tout en protégeant et en valorisant la biodiversité mondiale. » Pour William Darwall, directeur du programme sur les espèces d’eau douce de l’IUCN : « Nous n’essayons pas de ralentir le développement. En Afrique, il est encore possible d’agir. Cela évitera des dépenses supplémentaires. Savoir qu’un marais est une infrastructure naturelle qui filtre l’eau peut, par exemple, permettre d’éviter la construction d’une station d’épuration qui coûterait plusieurs millions de dollars… »
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