Jean Kacou Diagou : « Nous voulons devenir un interlocuteur incontournable »

Le 14 septembre, le patron des patrons ivoi­riens a été élu à la tête de la Fopao. Le fondateur du groupe d’assurances NSIA souhaite faire de l’organisation ouest-africaine des chefs d’entreprise un outil de lobbying pour l’intégration régionale.

Jean Kacou Diagou. © Vincent Fournier/J.A.

Jean Kacou Diagou. © Vincent Fournier/J.A.

Publié le 30 septembre 2010 Lecture : 5 minutes.

JEUNE AFRIQUE : Vous prenez les rênes de la Fédération des organisations patronales de l’Afrique de l’Ouest (Fopao). À quoi sert-elle ?

Jean Kacou Diagou : Elle est d’abord un instrument de concertation entre les différentes organisations patronales des pays membres de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), auxquels s’ajoute la Mauritanie. Cela fait seize pays, pour une organisation vieille d’une dizaine d’années. La Fopao est en pleine réorganisation depuis la présidence de Mamadou Sylla [le président sortant, à la tête du patronat de Guinée-Conakry, NDLR]. Nous avons entrepris de la repositionner. Elle se pose désormais comme l’interlocutrice incontournable des organisations de développement et des institutionnels dans la sous-région.

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Quelles sont vos priorités ?

Notre priorité est de redynamiser l’action patronale ouest-africaine pour relever les défis du développement des économies nationales, de l’intégration sous-régionale et de la mondialisation. La Fopao est restée trop longtemps absente des discussions conduites par la Cedeao et l’Uemoa, elle devra jouer un rôle moteur de l’intégration sous régionale. Notre vision est d’en faire un hub régional, de concertation, de partage d’expérience et de bonnes pratiques entre les organisations patronales. Les capacités de ces dernières seront renforcées afin d’avoir une Fopao forte, interlocutrice principale pour le secteur privé ouest-africain.

Pourquoi la concertation entre les organisations patronales n’a-t-elle pas fonctionné par le passé ?

Parce que l’organisation n’avait pas été conçue au départ comme un lieu de décision ! Aujourd’hui, la Fopao a vocation à être un lieu de décision où les organisations se concertent, prennent position puis expriment une position commune face aux organisations gouvernementales sous-régionales et internationales. C’est d’ailleurs pourquoi nous renforcerons la communication entre les organisations patronales, afin de tirer pleinement partie des ressources collectives des patronats de l’Afrique de l’Ouest, et des opportunités de croissance et de développement offertes aux pays par la dynamique de l’intégration régionale.

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Comment allez-vous vous imposer dans un contexte régional où il existe déjà des institutions très fortes ?

Cela fait déjà deux ou trois ans que nous avons commencé à travailler pour nous positionner face à ces organisations sous-régionales. Qui ont fonctionné, il faut le dire, sans tenir compte de l’avis du secteur privé. Pourtant, on ne peut pas concevoir de plans de développement pour l’Afrique de l’Ouest sans consulter les entreprises !

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Quels étaient les thèmes à l’ordre du jour de l’assemblée générale qui vient de s’achever ?

Elle s’est tenue sous le thème : « une Fopao forte pour des organisations patronales fortes ». Il s’est agi de la refonte de l’organisation pour en faire une structure beaucoup plus opérationnelle. Nous avons mis en place un comité exécutif dans ce sens et un secrétariat exécutif dont le caractère permanent a été réaffirmé.

Comment affirmerez-vous votre indépendance alors que certains « patrons des patrons » au niveau national ont des liens avec le pouvoir en place ?

C’est une organisation apolitique. Et moi, je suis aussi apolitique. Je n’accepterai pas que la Fopao prenne des positions politiques. Nous nous contenterons de défendre les intérêts des entreprises, de participer à l’amélioration de l’environnement des affaires dans la sous-région. Qui avait un potentiel énorme que nous avons gaspillé en faisant, justement, trop de politique.

L’Afrique de l’Ouest est considérée comme une zone où l’intégration sous-régionale avance plus vite qu’ailleurs. Cependant, des obstacles demeurent. Quels sont ceux que vous avez identifiés et comment les surmonter ?

C’est vrai, il y a eu de grandes avancées. L’UEMOA et la Cedeao sont des exemples dans ce domaine. Mais il y a encore ce micronationalisme psychologique qui reste ancré dans les esprits, freinant le développement de l’intégration. Par ailleurs, on peut déplorer des obstacles psychologiques et matériels dressés par certaines administrations pour empêcher la fluidité du commerce. Du coup, le commerce intrarégional ne représente qu’à peu près 3 % des échanges globaux de la sous-région. Ce que nous voulons aujourd’hui, c’est lever tous ces obstacles afin d’aller résolument vers un marché unique, un marché commun.

Des patrons semblent s’associer à des initiatives qui peuvent freiner l’intégration régionale. Sans doute pour protéger des rentes de situation. Remédierez-vous à ces conflits d’intérêts objectifs au sein de la Fopao ?

Justement, quand je parle du micronationalisme qui est un frein à l’intégration, je n’exclus pas du tout les entreprises et les dirigeants du secteur privé. Nous devons savoir que même la Chine n’a pas pu se développer tant qu’elle n’était pas ouverte. Aucun pays au monde ne peut se développer en vase clos. À l’avenir, si de tels conflits surgissent, il n’est pas exclu que nous exprimions le point de vue de la Fopao. Dans un esprit de concertation.

Allez-vous vous représenter à la tête de la Confédération générale des grandes entreprises de Côte d’Ivoire [CGECI] lors des prochaines élections prévues pour 2011 ?

Mon mandat s’achève en 2011, d’après les statuts de la CGECI. Statutairement, je ne peux pas me représenter.

Voulez-vous que les textes changent ?

Je n’ai pas demandé à changer les textes. Non ! Les textes sont ce qu’ils sont, je ne peux pas me représenter en 2011.

Comment percevez-vous, dans cette atmosphère pré­électorale, l’environnement des affaires en Côte d’Ivoire ?

Il n’est pas ce qu’il y a de meilleur ! Tout le monde attend de voir ce qui va se passer avant d’investir ou de créer de nouvelles activités. Il faut que nous allions rapidement aux élections. Il en va du développement économique de notre pays. On sait quels efforts ont été accomplis par les entreprises pour résister à la crise, mais, aujourd’hui, elles sont au bout du rouleau.

Sent-on un ralentissement de l’activité économique ces derniers mois ?

Non, pas du tout. Au fond, les gens savaient que tôt ou tard ces élections se tiendraient. Et puis la Côte d’Ivoire est un endroit où l’investissement est très rentable. C’est la porte d’entrée économique de la sous-région, grâce à sa situation géographique et à son potentiel économique en ce qui concerne aussi bien les ressources humaines que celles du sol et du sous-sol.

Pensez-vous que l’objectif de 4 % de croissance du PIB pourra être atteint pour 2010 ?

En principe, il ne devrait pas y avoir de problème. Je pense que si les élections avaient pu se tenir en début d’année, on aurait même pu dépasser ce seuil. Parce qu’il y a aujourd’hui beaucoup de projets qui restent malheureusement dans les cartons.

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