Les trois vies de Gianfranco Fini

Gianfranco Fini n’a rien de commun avec Silvio Berlusconi sauf la passion pour le pouvoir. © Juan Medina/Reuters

Gianfranco Fini n’a rien de commun avec Silvio Berlusconi sauf la passion pour le pouvoir. © Juan Medina/Reuters

Publié le 27 septembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Depuis leur rupture, tous les coups sont permis entre Silvio Berlusconi et Gianfranco Fini. La presse berlusconienne multiplie les révélations sulfureuses pour tenter de nuire à l’image du président de la Chambre des députés. Ce dernier réplique par des dénonciations grandiloquentes du « césarisme » supposé du Cavaliere. Après dix-sept années de vie commune, les deux hommes sont en pleine scène de ménage, sous le regard désemparé des Italiens.

La rupture était sans doute inévitable. L’ancien fasciste et le milliardaire n’ont jamais eu grand-chose en commun. Sauf leur passion pour le pouvoir. Berlusconi a été poussé sur le ring politique par Bettino Craxi, l’ancien président du Conseil socialiste (1983-1987), aujourd’hui décédé. Fini a grandi dans un milieu familial imprégné de nostalgie mussolinienne. Son grand-père fut certes secrétaire d’une section du Parti communiste, mais son père racheta cette « erreur » en s’enrôlant dans la division d’infanterie San Marco pour défendre la République de Salò, le dernier bastion du Duce avant la libération. Quant à sa mère, elle était la fille d’Antonio Marani, qui, en 1922, participa à la Marche sur Rome des Chemises noires.

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« On m’a craché dessus »

1968, c’est la rencontre avec le fascisme. Des gauchistes empêchent Fini de voir Les Bérets verts, le film de John Wayne à la gloire des soldats américains engagés au Vietnam. « Je n’avais pas d’idées politiques, j’aimais John Wayne, c’est tout. Ce soir-là, j’ai pris des coups, on m’a craché dessus. C’est cette arrogance qui m’a incité à frapper à la porte des fascistes », explique-t-il aujourd’hui. Un an plus tard, il s’inscrit au Fronte della Gioventù, les Jeunesses du Mouvement social italien (MSI). Au début des années 1970, changement de décor : la famille Fini quitte Bologne et emménage à Rome. Le futur président de la Chambre rencontre Giorgio Almirante, le grand patron du MSI, parti ouvertement fasciste fondé en 1946 avec les derniers fidèles de Benito Mussolini. Puis il séduit par ses discours Donna Assunta Almirante, l’épouse du chef, qui flaire en lui l’animal politique. La grande prêtresse du MSI l’impose à son mari, qui, en 1977, le bombarde secrétaire national du Fronte della Gioventù.

Au milieu des années 1990, c’est le grand tournant : pour sortir le MSI du caniveau, Fini jette aux orties les insignes du parti. Le « Leader Maxim », comme l’appellent ses détracteurs, annule la commémoration de la Marche sur Rome, en 1993. Deux ans plus tard, il organise en grande pompe la refonte du MSI. Une opération d’autant plus nécessaire que Berlusconi, qui a remporté les élections de 1994, a nommé des fascistes dans son gouvernement.

Devant Alessandra Mussolini, la petite-fille du Duce, Fini abjure le passé, qualifie la vieille idéologie de « mal absolu » et renie les lois raciales. Rebaptisé « Alliance nationale », le parti se forge une nouvelle identité et développe de nouveaux thèmes : Europe, sécurité, économie de marché, ordre public, lutte contre l’avortement. Fini peut alors s’envoler pour Jérusalem, où, kippa sur la tête, il serre la main des dirigeants de l’État hébreu et visite le mémorial de Yad Vashem. L’incroyable mue s’achève.

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Depuis, il y a eu le perchoir de l’Assemblée nationale, après la victoire de la droite aux législatives anticipées de 2008. Puis la fusion d’Alliance nationale avec Forza Italia, le parti berlusconien, pour donner naissance au Peuple de la liberté. Après le divorce d’avec le Cavaliere, c’est aujourd’hui le retour à la case départ. Futur et liberté pour l’Italie, son nouveau parti, n’est guère qu’une nouvelle mouture d’Alliance nationale. La troisième vie de Gianfranco Fini peut commencer.

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