Législatives 2012 : ce que femme veut
Malgré les progrès enregistrés lors des communales de 2009, la parité dans la vie politique se heurte encore à de fortes résistances. Pour les surmonter, d’aucunes n’hésitent pas à réclamer l’adoption de lois contraignantes en vue du prochain scrutin.
Les législatives auront lieu dans deux ans, mais pour Nouzha Skalli, ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité, il faut dès à présent militer pour une meilleure représentation des femmes au Parlement. Au moment où le ministère de l’Intérieur prépare une réforme en profondeur du code électoral, la ministre entend faire de la participation des femmes une priorité. « Il faut au moins atteindre les objectifs du millénaire, soit un tiers des sièges pour les femmes en 2012 », explique-t-elle. Alors que le royaume occupe une peu enviable 122e place (sur 128) dans le classement de l’égalité hommes-femmes établi par le Forum économique mondial en 2007, la ministre compte sur la loi pour pousser le personnel féminin sur le devant de la scène politique. Soutenue par le roi, mais aussi par le Premier ministre, elle devrait faire des propositions en la matière lors du prochain Conseil de gouvernement.
Les Marocains sont-ils prêts à voter pour des femmes ?
Oui, si l’on en croit le rapport du Cinquantenaire, rédigé en 2005 par Hassan Rachik, en collaboration avec Mohamed Tozy, Abdellatif Bencherifa et Rahma Bourqia. Selon cette étude, 80 % des Marocains se disent prêts à voter pour des femmes. Un chiffre qui ne varie pratiquement pas selon le niveau d’instruction des personnes interrogées. Mais de là à leur confier de hautes responsabilités, il y a un pas… que les Marocains ne semblent pas prêts à franchir. Seuls 12 % d’entre eux acceptent que des femmes deviennent ministres. « Quoi qu’on dise, les mentalités sont encore très rétives sur ces questions. Dans le milieu politique, le machisme est plus palpable que partout ailleurs », témoigne la députée Fatiha Layadi.
Pourtant, en juin 2009, médias nationaux et internationaux saluaient à l’unanimité les résultats des élections communales. Les partis politiques avaient joué le jeu des listes réservées et présenté 20 500 candidates, dont 3 428 ont été élues au sein d’un conseil communal. Fatima Zahra Mansouri, 33 ans, maire de Marrakech, est devenue le symbole de cette « prise du pouvoir » par les femmes. De quoi redonner de l’espoir aux militantes, même si cette victoire est surtout due au système de quotas.
La mise en place d’un quota est-elle indispensable ?
À cette question, la plupart des militantes répondent oui… à regret. « S’il n’y avait pas eu de quotas pour les élections communales, nous n’aurions jamais atteint un tel taux de femmes élues, plaide Nouzha Skalli. En 2003, il y en avait eu 127 sur 24 600 conseillers communaux. À chaque élection, ce taux n’augmentait que de 0,1 % ou 0,2 %. Seule une loi a pu accélérer les choses et contraindre les partis à franchir le pas. »
Depuis 2000, la législation oblige les partis politiques à respecter un quota d’au moins 20 % de femmes pour la composition de leurs instances dirigeantes. Lors des législatives de 2002, le Maroc a également appliqué un système de quotas, réservant aux candidates une liste nationale de 30 sièges. Aujourd’hui, sur 325 parlementaires, seulement 34 sont des députées.
Mais les quotas sont aussi à double tranchant. « Les partis peuvent être tentés de faire du remplissage et de pratiquer le clientélisme. En ne choisissant pas les candidates pour leur compétence, ce sont les femmes politiques dans leur ensemble qui sont décrédibilisées », regrette Fatiha Layadi. Pour Sabah Chraïbi, docteur en droit et auteur de plusieurs ouvrages sur les femmes et la politique, les quotas ne suffisent pas : « Pour ne pas limiter les femmes à des circonscriptions sans importance, il est essentiel que les candidates reçoivent des aides pour financer leur campagne électorale. »
Si la plupart des grands partis se disent favorables à une meilleure représentation des femmes, ils sont peu nombreux à passer à l’acte. « La plupart des partis ne s’activent qu’au moment des élections, explique le politologue Mohamed Tozy. Or, comme l’offre féminine est très faible, le marché électoral s’en trouve perverti. À Casablanca, on a rencontré des femmes qui avaient reçu jusqu’à neuf propositions de partis différents. » Lors des communales de 2009, la plupart des partis s’en sont tenus au strict minimum, se contentant de respecter les quotas. « Quand il s’agit de gagner des sièges, aucun homme politique n’est prêt à se sacrifier. Et surtout pas au nom de la parité », ironise une députée.
Les femmes font-elles de la politique autrement ?
« Il faut permettre aux conseils locaux de se prévaloir de l’apport de la femme marocaine qualifiée, connue pour son intégrité, son réalisme et sa fibre sociale. » Quelques mois avant les élections communales, le roi s’était fait, par ces paroles, le premier défenseur de la cause des femmes. Pour lui, comme pour Nouzha Skalli, celles-ci apportent une valeur ajoutée en politique. « Les femmes sont un levier essentiel au développement social. Elles traitent plus spontanément les problématiques de proximité », explique la ministre. Au Parlement, l’arrivée des femmes a permis de débattre de sujets comme la violence conjugale, le harcèlement sexuel ou les droits de l’enfant. « Les députés masculins ne posent jamais de questions sur ces thématiques. Mais il faut prendre garde à ne pas enfermer les femmes dans les sujets féminins », avertit Fatiha Layadi. Hélas, les parlementaires n’ont pas toujours réussi à mettre leur travail en avant. « Il est regrettable que les députées n’aient pas su définir un projet commun, au-dessus des partis, ni faire émerger des propositions », ajoute Sabah Chraïbi.
La parité, telle que voulue par Nouzha Skalli, sera sans doute difficile à obtenir. Mais, en fin stratège, la ministre sait que celui qui peut le plus peut le moins. Après des élections communales qui ont ouvert la porte à la gouvernance féminine, les législatives seront un nouveau test pour les partis. Seulement voilà, les femmes désireuses de s’engager dans la politique sont peu nombreuses. « La persistance de l’analphabétisme féminin et le fait qu’une majorité de femmes ne travaille pas sont des contraintes structurelles et chroniques. En même temps, le développement de l’associatif, dans lequel les femmes sont très impliquées, pourrait constituer un nouveau relais vers le monde politique », conclut Mohamed Tozy.
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