Le scandale des vrais-faux joueurs
Ce devait être un banal match de foot. Sauf que ce n’est pas la sélection officielle qui a affronté l’équipe de Bahreïn, le 7 septembre. La mésaventure a de quoi faire sourire, mais à Lomé, pas sûr qu’elle fasse rire.
Le football togolais réserve décidément bien des surprises. La sélection nationale a déjà involontairement – et tragiquement – fait parler d’elle, en janvier, quand son bus a essuyé les tirs de militants séparatistes du Cabinda lors de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en Angola. Mais cette fois-ci, c’est à cause d’un match, une toute petite rencontre amicale, qu’elle revient sur le devant de la scène.
Les faits remontent au 7 septembre. Les Éperviers sont encore au Botswana, où ils ont tenté trois jours plus tôt, et sans y parvenir, d’arracher des points pour une qualification à la CAN 2012. Ce jour-là, l’équipe de Bahreïn affronte à domicile ce qu’elle prend pour la sélection togolaise. Elle s’étonne, certes, de la facilité avec laquelle elle remporte le match, mais ne découvre que le lendemain qu’elle n’a pas joué contre l’équipe officielle. Pis ! Personne ne sait qui sont ces footballeurs qui ont fait le déplacement jusqu’à Bahreïn.
On n’en sait pas plus à Lomé. « C’est un ami qui, quelques minutes après mon retour du Botswana, m’a révélé l’affaire », explique le ministre des Sports. Christophe Tchao dit ne pas avoir d’informations sur l’identité des vrais-faux Éperviers, mais « doute qu’ils soient togolais » et annonce l’ouverture d’une enquête. Il se dit aussi convaincu que le groupe qui a joué à Bahreïn « a bénéficié de complicités locales ».
Le général Seyi Memene, président du Comité intérimaire de la Fédération togolaise de football (FTF), promet de démasquer les responsables. « De telles situations, affirme-t-il, sont devenues possibles à cause du désordre qui règne actuellement à la Fédération. » Même son de cloche du côté de Pierrot Attiogbé, journaliste sportif à Nana FM : « La FTF est en proie à des rivalités, et le bureau intérimaire qui est à sa tête ne fait qu’évacuer les affaires courantes, sans résoudre les vrais problèmes. »
Depuis 2006, année de sa première participation à une Coupe du monde, le football togolais fait face à de sérieux problèmes d’organisation. Les joueurs sélectionnés pour le Mondial en Allemagne avaient, à l’époque, menacé de faire grève s’ils n’obtenaient pas le versement de primes. Se sont ensuite enchaînés, pendant quatre ans, des événements parfois tragiques (en 2007, crash d’un hélicoptère qui transportait des employés de la FTF en Sierra Leone), souvent burlesques.
Sans autorisation
Ainsi, il y a quelques semaines, c’est l’ancien entraîneur des Éperviers Tchanilé Bana qui a fait jouer des jeunes de son centre de formation sous les couleurs nationales lors d’un tournoi en Égypte, et sans l’autorisation de la Fédération. Il a été suspendu pour deux ans.
Comment le football togolais en est-il arrivé là ? En 2008, lors d’un déplacement en Malaisie, une délégation de la FTF a noué des contacts avec des agents locaux pour obtenir des invitations afin de participer à des tournois internationaux dans des pays d’Asie où la pratique du ballon rond n’est pas très développée. Mais, depuis, certains entraîneurs véreux profitent de ces liens établis pour négocier des matchs amicaux avec des sélections étrangères à l’insu de la FTF. L’anarchie qui règne actuellement au sein de la Fédération – où « les appétits et les ambitions sont très aiguisés », selon le ministre des Sports – n’arrange rien. « Depuis un an et demi, il n’y a pas de championnat national. Les clubs n’ont plus de budget et les entraîneurs ne sont pas payés. De fait, ils sont à l’affût de toute occasion pouvant leur permettre de gagner quelques milliers de dollars », explique une source bien introduite à la FTF.
À la tête de la Fédération, Seyi Memene promet de ramener l’ordre. L’assemblée générale de la FTF, plusieurs fois reportée, devrait se tenir le 16 octobre et sera, promet-on en haut lieu, l’occasion d’un grand ménage.
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