Touche pas à mon chef !
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 20 septembre 2010 Lecture : 2 minutes.
Imaginez une seconde ce que donnerait un équivalent africain des Guignols de l’info. Prenez votre chef d’État et sa première dame, leur entourage, une poignée de ministres et de politiciens, quelques people. Confectionnez des marionnettes qui accentuent leurs défauts physiques et leurs tics de langage, moquent leur pratique du pouvoir et ridiculisent leurs petites turpitudes. Dénichez une chaîne de télé suffisamment inconsciente pour vous accueillir. Et préparez-vous à voir la police débarquer sur le plateau pour vous conduire directement en prison (si vous survivez au trajet), car vous avez violé l’article 1 de toute Constitution africaine : touche pas à mon chef.
Aussi est-ce avec des yeux médusés, au fond desquels brille parfois une lueur de féroce compassion que les homologues continentaux – et francophones – de Nicolas Sarkozy observent les déchaînements d’animosité, parfois de haine dont ce dernier fait l’objet dans la plupart des médias français, mais aussi sur internet ou à la devanture des librairies, au point d’imprégner chaque sondage et de submerger l’opinion. Dans Libération, le pourtant pondéré Alain Duhamel écrit : « Nicolas Sarkozy est devenu l’homme le plus détesté de France, le président le plus honni de la Ve République. » Jugement excessif sans doute, mais qui traduit bien l’extraordinaire renversement de tendance opéré en moins de trois ans. Hier, pour vendre, un hebdo français se devait d’exhiber à la une un Sarkozy triomphant et conquérant, les mille et un secrets de l’Élysée peuplé de jeunes loups en blousons Chevignon, les coups de cœur d’un président Don Juan et les rêves d’une France qui gagne, Rolex au poignet. Aujourd’hui, pour vendre, les mêmes s’adonnent sans retenue au « Sarko bashing », rivalisant de titres hostiles et d’attaques ad hominen. De l’adoration à l’exécration, le filon est le même : Nicolas (et Carla) Sarkozy sont de bons clients.
Passé un moment de stupeur, nos chefs d’État commencent donc à se demander s’il est toujours aussi bon pour leur image de s’afficher sur les marches du palais aux côtés d’un homme dont l’objectif semble être de se faire réélire en 2012 avec les voix de l’extrême droite et qui, pour cela, est brocardé de Bruxelles à Washington, en passant par le siège de l’ONU. Il faut les comprendre, après tout. En Afrique plus qu’ailleurs, un chef qu’on ne respecte plus n’est plus un chef. Et les Guignols n’y ont aucune chance de survie.
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