L’ONU côté coulisses
La 65e session de l’Assemblée générale des Nations unies s’est ouverte le 14 septembre, à New York, avec la participation de 192 pays. Comment fonctionne cette énorme machine ? Quel est son coût ? Quels résultats peut-on en attendre ?
Le 14 septembre s’est ouverte à New York la session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies. Les 192 États membres y étaient représentés qui par son président de la République, qui par son ministre des Affaires étrangères, qui par son ambassadeur auprès de l’ONU. On imagine que l’organisation de cette grand-messe planétaire n’a rien d’une sinécure.
Même si l’effet de routine donne l’impression d’une certaine fluidité, celle-ci n’est qu’apparente. Surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001 et le renforcement draconien des mesures de sécurité qui s’est ensuivi. Tout pays qui envoie une délégation est tenu de fournir, par le biais de sa représentation à New York, la liste complète de ses membres, ainsi que leurs qualités. Pour accéder au siège, tous devront être badgés et, à l’exception des chefs d’État, soumis à un contrôle électronique à l’entrée. Les fouilles sont systématiques.
« Le jour de l’ouverture solennelle, dès l’arrivée sur les lieux du président des États-Unis, les forces spéciales sont placées en état d’alerte maximale. Les hommes chargés de la surveillance – sur terre, sur mer et dans les airs – ont ordre d’ouvrir le feu sans sommation, à la moindre menace. Un avion qui aurait le malheur d’avoir été mal orienté par la tour de contrôle de l’aéroport de New York serait abattu, sans états d’âme », estime un diplomate français.
Suivant une tradition bien établie, le débat général s’ouvrira le 23 septembre par un discours de Ban Ki-moon, le secrétaire général, qui présentera un état de la situation mondiale, puis dressera un bilan des actions entreprises et des drames de toutes sortes (conflits, catastrophes naturelles) auxquels l’organisation est confrontée.
Privilège brésilien
Comme chaque année, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva prendra ensuite la parole. En contrepartie de sa renonciation à un siège de membre permanent du Conseil de sécurité, son pays a en effet obtenu notamment le privilège d’être le premier à intervenir. Viendra ensuite le tour de Barack Obama, en sa qualité de président du pays hôte. Sa prestation est particulièrement attendue cette année, puisque la session est appelée à dresser le bilan des dix premières années des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), un programme sur quinze ans destiné à améliorer dans les pays pauvres la qualité de l’éducation, des systèmes de santé, des infrastructures socio-économiques de base, de l’alimentation, des transports, etc.
Lancés en grande pompe en 2000 par Kofi Annan, alors secrétaire général, les OMD ont eu pour effet d’accroître la participation des chefs d’État aux sessions ordinaires. Le débat général s’en est trouvé complètement transformé. D’ordinaire animé par les ministres des Affaires étrangères, en présence des présidents des États-Unis et du Brésil, il attire désormais un nombre croissant de chefs d’État. Outre les rencontres bilatérales qu’ils sont susceptibles d’avoir avec leurs homologues, ces derniers ont également l’occasion de prendre part, en marge de l’Assemblée générale, à des « débats de haut niveau » sur des questions aussi cruciales que le financement du développement, les risques climatiques ou la menace nucléaire.
Au cours de cette prochaine session, la taxe sur les billets d’avion destinée à financer l’achat de médicaments pour les pays pauvres – proposée par l’ancien président français Jacques Chirac – fera l’objet d’une réunion spéciale. Pour sa part, Barack Obama devrait susciter une rencontre sur l’état de la démocratie dans le monde.
En principe, chaque orateur dispose de quinze minutes. À l’expiration de son temps de parole, une lampe rouge s’allume près du micro. Un usage que le « Guide » libyen Mouammar Kadhafi a gaillardement enfreint, l’an dernier. Appelé à intervenir en tant que président en exercice de l’UA, il a parlé pendant une heure et demie ! Obama, qui s’était retiré au milieu de cette « Kadhafiade » pour s’entretenir dans une salle voisine avec des chefs d’État fournisseurs de Casques bleus, avait lancé, sourire aux lèvres, à ses interlocuteurs : « Nous avons du temps pour parler de la participation de vos pays aux opérations de maintien de la paix. Un grand monsieur est en train de faire un discours qui est parti pour durer… »
Commence ensuite le défilé à la tribune des chefs d’État et des ministres des Affaires étrangères. L’ordre de passage est établi par le secrétariat général, après d’âpres tractations avec les représentants permanents, chacun souhaitant obtenir pour son pays la meilleure place possible.
Sur la photo avec Obama
Mais le clou de la session est sans nul doute la réception offerte par le président des États-Unis à l’hôtel Waldorf Astoria, à un jet de pierre du siège de l’ONU. L’événement est d’autant plus couru que tous les chefs d’État invités ont droit à une poignée de main et à une photo avec l’homme le plus puissant du monde. Ce dernier ne reste en règle générale que quarante-huit heures à New York avant de regagner Washington. En revanche, ses homologues africains et arabes prolongent souvent leur séjour d’une semaine ou davantage, en compagnie de leur suite, dans des palaces new-yorkais hors de prix.
De manière générale, la session ordinaire de l’Assemblée générale coûte cher. Très cher. Tous les hôtels sont pleins et les suites présidentielles à 5 000 dollars la nuit s’arrachent comme des petits pains. Mais il y a aussi la location de voitures avec chauffeur pour le transport des délégations, les frais de stationnement des avions présidentiels (ou de location), les per diem des participants, l’argent de poche des premières dames et des épouses de ministres, souvent grandes amatrices de shopping…
Et puis il y a les réceptions. Traditionnellement, les ministres africains des Affaires étrangères sont reçus dans un hôtel multiétoilé par leur alter ego français : tenue de soirée, haute gastronomie et grands crus classés. La réception donnée par l’Afrique du Sud est également très courue. Quant au Sénégal, qui préside le Comité des Nations unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, il organise depuis 1975 une soirée en l’honneur de la Palestine à laquelle Yasser Arafat participait naguère volontiers.
Après leur passage à la tribune, chefs d’État et ministres des Affaires étrangères sont reçus pendant dix à quinze minutes par le secrétaire général des Nations unies, qui évoque avec eux la situation de leur pays ou de leur sous-région et, le cas échéant, prend note de leurs doléances. Par ailleurs, de nombreuses réunions bilatérales ont lieu, ce qui, souvent, permet de faire l’économie de visites officielles ultérieures.
Les grands de ce monde mettent également à profit leur séjour new-yorkais pour recevoir des lobbyistes de tout acabit, souvent chargés de travailler au corps les membres de l’administration et du Congrès américains. Dans les couloirs de la Maison de Verre, les plus nombreux travaillent pour des associations de défense de l’environnement, pour le Congrès juif mondial ou pour des organisations de musulmans noirs américains. Le Prayer Breakfast, une puissante organisation chrétienne, organise pour sa part des « petits-déjeuners de prière » très prisés.
Jusqu’à l’ennui
Après un marathon de plusieurs jours, les leaders quittent New York, et les diverses commissions se mettent au travail. Reste une question : toute cette agitation a-t-elle vraiment une influence sur la marche du monde ?
L’Afrique, notamment, a bien du mal à imposer ses vues et à faire triompher ses intérêts. Sa revendication d’un siège au Conseil de sécurité n’a jusqu’ici pas été prise en compte. La faute à sa trop grande dispersion ? Est-il vraiment utile que ses 53 leaders prennent tour à tour la parole, au risque de se répéter et de finir par ennuyer ? Ne serait-il pas plus efficace de parler d’une seule voix, celle du président en exercice de l’UA ou du président de sa commission ?
Chef de la diplomatie sénégalaise de 2000 à 2009, Cheikh Tidiane Gadio en est convaincu. « Si tel était le cas, juge-t-il, notre continent serait plus crédible et pèserait d’un poids plus lourd sur les affaires du monde. »
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