Une présence d’Al-Qaïda nuisible au business
Prises d’otages ou attentats, peu importe le mode opératoire : c’est la présence même d’Al-Qaïda au Sahel et dans le Sahara qui a des répercussions de plus en plus sensibles sur la vie des opérateurs économiques ou des humanitaires.
Areva emploie 2 500 personnes dont une centaine d’expatriés au Niger, dans la région d’Arlit, aux confins du Sahara. « Lors de la rébellion touarègue, nous avions déjà renforcé nos dispositifs », explique le responsable de la protection des personnes du groupe, Gaëtan Halna du Fretay. Les déplacements nécessaires entre Arlit et les deux sites miniers (Cominak et Somaïr) se font dorénavant en convois sécurisés par l’armée nigérienne.
À Imouraren (60 km d’Arlit), où le gisement d’uranium est en phase d’exploration, la base-vie est un véritable camp retranché de 1 050 personnes. À l’intérieur du périmètre de 475 km2, des gendarmes patrouillent et accompagnent le personnel.
Croissance du marché de la sécurité
D’une façon générale, toutes les grandes entreprises opérant dans la bande sahélienne ont renforcé leur dispositif de sécurité en étroite collaboration avec les États. Exemple au Burkina Faso, où un vaste dispositif a été mis en place dans la région de Dori, à la frontière avec le Mali et le Niger. Dans la plus importante mine du pays, à Essakane, les employés étrangers (essentiellement canadiens) évitent de sortir du site, sécurisé par une compagnie de CRS.
Entre 2004 et 2009, le groupe français de gestion des risques Geos a vu son chiffre d’affaires passer de 15,6 millions à 41 millions d’euros. Doté d’un bureau à Alger, il travaille notamment au nord-est de la Mauritanie, à la frontière avec le Mali, où les pétroliers réalisent des forages. Comme dans le reste du champ d’action d’Aqmi, les entreprises y redoublent de vigilance et ont recours aux « missionnaires » des sociétés de sécurité, qui assurent les relations avec les militaires, définissent les règles de prudence, préparent d’éventuelles évacuations…
Le marché de la sécurité est cependant concurrentiel. « Pour les entreprises, la sécurité est un centre de coûts, il faut donc essayer de le réduire », dit Louis Caprioli, directeur de la sécurisation à Geos et ancien responsable du contre-terrorisme français. Les entreprises anglo-saxonnes – Global Strategies Group, GAS… – qui ont fait fortune en Irak ou en Afghanistan en profitent pour casser le marché. « Les contrats se jouent à 20 euros près », précise Caprioli.
Menaces sur les tour-opérateurs
Avec Allibert, le tour-opérateur et affréteur français Point-Afrique était l’un des rares à avoir maintenu la destination Mauritanie (à Atar, en Adrar) ; Terres d’aventure avait quant à lui décidé de reprendre cette destination en octobre. Mais, aujourd’hui, les directions des trois voyagistes hésitent. Selon Point-Afrique, affréter un appareil pour une rotation Paris-Atar coûte 80 000 euros.
Et la mort de Michel Germaneau a dissuadé les irréductibles (environ 1 500 touristes en Adrar au total en 2009-2010, contre 10 000 il y a trois ans). « Les effets médiatiques d’un attentat sont circonstanciés, ceux de la mort d’un otage sont durables », explique Maurice Freund, fondateur de Point-Afrique. Il avait pourtant fait équiper ses guides de balises Argos, permettant leur localisation immédiate (pour un coût total de 12 000 euros) et prévu de recruter un ancien officier de la DGSE pour leur formation.
Autre incertitude pour Allibert et Point-Afrique : le maintien de la destination Agadez (Niger). Peu de chances, en revanche, que Gao, au Mali, soit de nouveau proposé. « La population y est plus proche d’Aqmi qu’ailleurs », juge un opérateur.
Humanitaires sur le qui-vive
Le risque fait partie du job. Et les humanitaires présents au Sahel ont bien conscience que le niveau de vigilance doit être revu à la hausse, surtout depuis la mort de leur collègue Michel Germaneau.
Agences des Nations unies, ONG internationales… la présence est massive et, à ce jour, personne n’a quitté les lieux. « En revanche, les déplacements sont limités, les véhicules avec logos sont bannis et les missions ponctuelles ont été suspendues », explique la responsable d’une organisation française. « Le risque est grand, mais nous souhaitons rester sur place. »
Officiellement, les gardiens civils des locaux humanitaires ne sont pas armés, mais les effectifs ont été augmentés. Les représentants d’ONG n’ont pas de contacts directs avec les groupes armés, mais les rencontres avec les chefs locaux, notamment touaregs, font partie de l’arsenal classique qui contribue à la sécurité.
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