Ce mystérieux Georges Adéagbo

Plasticien iconoclaste, Georges Adéagbo a transformé son atelier en un musée éphémère, lieu de passage et d’inspiration. Reportage.

L’artiste béninois, dans son atelier de Cotonou, en juin 2010. © Philippe Perdrix/J.A.

L’artiste béninois, dans son atelier de Cotonou, en juin 2010. © Philippe Perdrix/J.A.

Publié le 18 septembre 2010 Lecture : 2 minutes.

Il suffit d’aller chez lui, le long de la route des Pêches, près de Cotonou, pour comprendre que ce plasticien béninois est très singulier. Une petite maison ronde entourée d’un jardin luxuriant dans lequel le visiteur peut découvrir ses installations quotidiennes. Georges Adéagbo expose au Japon, aux États-Unis, en France, en Allemagne, en Italie… mais sa tanière est beaucoup plus qu’un simple point de chute. Musée éphémère, lieu de passage et d’inspiration : l’atelier de Togbin Plage offre un mélange d’harmonie et de modestie. À l’image d’un maître qui a su conserver l’émerveillement de l’enfant.

« Avec mes installations, je travaille sur les œuvres des autres. Qui se ressemble s’assemble, et, au final, c’est le contenu qui compte », explique-t-il devant Rencontre entre un masque africain et un buste romain, exposé au Palazzo Vecchio de Florence en 2008. Adéagbo est un alchimiste. Le masque est venu à lui, le buste aussi. Il s’en est emparé, un instant seulement, sous l’œil du photographe Agostino Osio

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Quête d’absolu

Le principe est identique avec Le Globe terrestre et ses statuettes ashanties, telles deux sentinelles protégeant la planète. « Chaque installation est unique. Je me laisse porter par une idée, le lieu et mes émotions. L’espace et le temps viennent à moi », indique-t-il devant une malle pleine de masques, de statuettes, de noix de cola, de cauris, de breloques et de journaux en partance pour une biennale en Allemagne.

« Pour en arriver là, j’ai effectué un long pèlerinage de vingt-trois ans, durant lequel je n’avais même pas de quoi manger », rappelle cet homme de 68 ans qui a suffisamment souffert « des rires de sa famille lorsqu’il pleurait » pour apprécier avec humilité ce qui lui arrive aujourd’hui. Revenu de France au début des années 1970 sur l’injonction de ses proches le suppliant d’assumer son rôle d’aîné après la mort de son père, ce dandy parisien voit son destin basculer. Humiliation et internement psychiatrique : sa quête d’absolu, ses textes iconoclastes et ses créations mystérieuses ne suscitent que moqueries et canulars.

Le ventre creux

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En 1973, sa mère meurt. Adéagbo se retrouve seul avec ses tourments. Cigarette au bec, le ventre creux, il passe des journées entières sur la plage à méditer sur son sort et sa quête. Ses œuvres envahissent la cour sablonneuse de sa maison décrépite de Cotonou. Personne n’y prête attention. Jusqu’en 1993. Un commissaire d’exposition, Jean-Michel Rousset, son « sauveur », le découvre. André Magnin, le directeur artistique de la Contemporary African Art Collection – collection privée de l’investisseur italien Jean Pigozzi –, s’enthousiasme à son tour. En 1994, Adéagbo est invité en France par la commissaire Régine Cuzin pour une première exposition, « La route de l’art sur la route de l’esclavage », près de Besançon. En 1999, il est le premier artiste africain à recevoir le prix du jury de la Biennale de Venise. Il rencontre alors Stephan Köhler, qui deviendra le coordinateur de ses futures expositions.

Georges Adéagbo est sauvé. Son œuvre est reconnue. Mais, modeste jusqu’au bout, il rend grâce au « débat créatif » que nourrit l’ensemble des artistes béninois : Tchif, Aston, Zinkpè et, bien évidemment, Romuald Hazoumé, qui lui a « donné la force de la persévérance ». Une question d’élégance…

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