Mohammed VI – Juan Carlos : entente royale
Entretenant des liens presque familiaux, les deux monarques sont très proches. Mais Mohammed VI a parfois plus de mal avec les chefs de gouvernements ibériques…
En pleine brouille diplomatique, les deux souverains se sont téléphoné, le 13 août, et sont convenus, selon le communiqué officiel, que « les événements intervenus au poste-frontière de Melilla ne nuisent en rien à la qualité des relations entre les deux royaumes ». Fréquentes, les petites guéguerres entre les deux pays ne rejaillissent guère sur les rapports, excellents, entre les deux souverains. Rapports qui doivent être mesurés à l’aune du règne dynastique, et non à celui d’une législature. « C’est une relation à la fois profonde et complexe, analyse André Azoulay, conseiller de Mohammed VI. Les liens vont en se raffermissant, comme en témoigne la création de la Fondation des trois cultures et des trois religions entre le Maroc, l’Espagne et l’Andalousie, en 1999. Il ne s’agit pas simplement d’un acte nostalgique lié à l’héritage andalou, mais d’un engagement très fort entre les deux pays qui a résisté aux accidents de l’Histoire. Il y a ce fonds commun et cette légitimité qui portent le dialogue de nos civilisations au cœur du débat idéologique, de la scène politique, économique et de la création artistique. »
"Oncle Juan"
Juan Carlos entretenait déjà une solide amitié avec Hassan II, qu’il considérait comme son « grand frère ». La sollicitude du monarque espagnol à l’égard de Mohammed VI lors des obsèques de son père, en juillet 1999, a touché les Marocains et le roi lui-même. « Je l’appelle “oncle Juan”, parce que c’est une personne extraordinaire que je connais depuis longtemps, avait déclaré Mohammed VI au journal américain Time, en juin 2000. Il fait presque partie de la famille. Nous nous entretenons souvent au téléphone et je lui demande conseil. Mais les Marocains ne sont pas les Espagnols, et ils ne le seront jamais. La démocratie en Espagne convient parfaitement à l’Espagne. Mais il y a un modèle démocratique spécifique au Maroc. »
C’est bien là toute la différence. Si le dirigeant alaouite est le véritable maître d’œuvre de la politique étrangère du royaume – il choisit lui-même son ministre des Affaires étrangères –, celle de l’Espagne se décide à la Moncloa, siège du gouvernement, et non à la Zarzuela, résidence du roi. Juan Carlos n’étant qu’un diplomate, certes de luxe, du président du gouvernement, Mohammed VI doit composer avec les chefs de gouvernement espagnols successifs, qu’ils soient de droite ou de gauche. Ses relations avec José Maria Aznar étaient exécrables. À tel point que l’on a failli aller à l’affrontement lors de la crise de l’îlot Perejil, en juillet 2002. Se sont ensuivis un différend sur l’accord de pêche Maroc-Union européenne, des rappels réciproques d’ambassadeurs, des provocations (survol de Nador par des avions de chasse espagnols en 2004) ainsi que des déclarations malheureuses sur l’immigration et le trafic de drogue.
L’arrivée de Zapatero, en mars 2004, qui est pour Mohammed VI un homme politique « chevronné et sage », ainsi que celle de son ministre des Affaires étrangères, Miguel Ángel Moratinos, diplomate de carrière qui connaît très bien le Maroc, où il a été en poste, devaient sceller les retrouvailles maroco-espagnoles et aboutir à une meilleure coopération sur les dossiers « chauds » (pêche, drogue, immigration)… jusqu’aux derniers événements.
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