L’Angleterre proxénète

Fouad Laroui © DR

Publié le 5 septembre 2010 Lecture : 2 minutes.

La réalité dépasse l’affliction, disait Cocteau. Comment, en effet, être suffisamment affligé en découvrant dans la presse anglaise cette nouvelle inconcevable : les services sociaux de sa Gracieuse Majesté vont envoyer un jeune Anglais un peu perturbé à Amsterdam pour… s’envoyer en l’air avec une prostituée. Tout cela aux frais du contribuable qui, pour une fois, mérite vraiment son surnom de « cochon de payeur » – même si c’est un autre qui fait des cochonneries à ses frais.

Dans ce petit café de Cambridge vide d’étudiants et plein de Japonais, j’ajuste mes lunettes, incrédule, pour lire la suite. S’exprimant dans le Sunday Telegraph, le travailleur social qui va accompagner l’heureux coquin justifie ainsi l’escapade : « Ce jeune homme a une phobie de l’acte de chair, ce qui affecte grandement sa vie sociale et le rend violent et agité. Le traitement que nous lui proposons va lui permettre de se réinsérer harmonieusement dans la société. »

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Souhaitons au jeune homme une bonne insertion et même une réinsertion. Il y a peut-être chez les courtisanes une promo du genre « deux pour le prix d’une ».

Renseignement pris auprès d’un condisciple de Trinity College, il s’avère que le gouvernement travailliste avait débloqué l’an dernier 520 millions de livres sterling pour un programme intitulé Putting People First : Transforming Adult Social Care qu’il fait trop chaud pour traduire, mais qui permet aux travailleurs sociaux de faire n’importe quoi.

Le soir venu, je regarde la BBC, qui consacre un programme à la question. D’accortes travailleuses de l’amour, estampillées British pur porc, protestent avec véhémence. Pourquoi a-t-on envoyé ce jeune homme si loin ? En quoi les tapineuses d’Amsterdam sont-elles meilleures que nous ? Font-elles des gâteries inconnues dans nos boudoirs ?

Un professeur d’économie : « En plus, on aggrave le déficit commercial. » Vigoureux applaudissements des gagneuses patriotes.

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Mais, demandez-vous, qu’en pense l’Église ?

Quelle drôle de question. Mais rien ! L’Église n’en pense rien. Cela fait longtemps qu’on ne songe plus à demander son avis à l’Église. Ni l’archevêque de Cantorbéry, pour les anglicans, ni l’archevêque de Westminster, pour les catholiques, ne se sont prononcés sur ce cas extraordinaire d’épectase. Dommage que cette histoire ne se soit pas déroulée au Caire ou à Téhéran. L’amateur éclairé se serait délecté des mille fatwas contradictoires qui auraient vu le jour sur un sujet pareil. Allez ! Un concours : composez votre propre fatwa et envoyez-la moi à l’adresse du journal. La plus originale vaudra à son auteur un week-end à Amsterdam…

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