La rigueur à contrecoeur
Après avoir tenu tête aux financiers européens et tancé son Premier ministre pour excès de pessimisme face à la crise, Nicolas Sarkozy mange son chapeau, contraint de se convertir à un régime d’austérité.
Le chef de l’État français vient de changer sa politique économique à 180 degrés. Lui qui avait tancé son Premier ministre, François Fillon, et sa ministre de l’Économie, Christine Lagarde, pour leur emploi du mot « rigueur » censé épouvanter les électeurs français, a bien été obligé de manger son chapeau et d’annoncer, le 20 août, à l’issue d’un séminaire gouvernemental réuni au fort de Brégançon (Var), résidence d’été de la présidence de la République, qu’il mettait le cap sur… des économies budgétaires.
Volte-face pragmatique
Deux événements ont convaincu Nicolas Sarkozy que la position qu’il avait adoptée face à la crise était devenue intenable. Le premier est venu de Berlin : l’Allemagne connaîtra une croissance de 3 % en 2010 et se met quand même à l’austérité, alors que la France ne progressera que de 1,4 % cette année et qu’elle rechigne à se serrer la ceinture pour cause d’élection présidentielle en 2012. Les marchés ont commencé à faire savoir, fin juin, que l’insouciance française ne leur plaisait guère en faisant payer un peu plus cher les emprunts français que les allemands.
Le second événement a été l’avertissement de l’agence de notation Moody’s, qui, le 17 août, a prévenu les grands pays développés – et notamment la France – qu’ils pourraient perdre leur note AAA, gage de sécurité absolue pour les prêteurs, et donc de taux d’intérêt bas pour les emprunteurs, s’ils ne combattaient pas résolument leurs déficits publics.
Nicolas Sarkozy a joué les pragmatiques. Il a reconnu que la croissance de l’année 2011 ne serait pas de 2,5 %, comme le gouvernement l’espérait, mais de 2 %. Cette révision amputant de 4 milliards d’euros le budget de l’État, il a fallu trouver des économies supplémentaires pour respecter la promesse faite à Bruxelles de réduire le déficit budgétaire de 8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2010 à 6 % en 2011.
Au gel des dépenses de l’État, au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, à la stagnation des transferts vers les collectivités locales, la réunion de Brégançon a ajouté un coup de rabot de 10 milliards d’euros par an sur les « niches fiscales », qui permettent à certains de payer moins d’impôts. Seraient menacés les crédits d’impôts sur les dividendes, sur les intérêts d’emprunts immobiliers, sur les projets verts, sur les investissements outre-mer. La liste des sacrifices sera arrêtée à la mi-septembre.
Il s’agira bel et bien d’une augmentation de la pression fiscale, même si l’Élysée a précisé que « ni l’impôt sur le revenu, ni la TVA, ni l’impôt sur les sociétés ne seront augmentés ».
Pour autant, Nicolas Sarkozy n’est pas tiré d’affaire par sa conversion contrainte et forcée à la rigueur. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le centre de recherche en économie de Sciences-Po, a calculé que les mesures annoncées amputeraient la croissance de la France de 1,4 point en 2011, c’est-à-dire que l’économie stagnera… ce qui rendra plus difficile la réduction des déficits !
Les voies de la popularité
La volte-face du président lui pose un autre problème, politique celui-là. Il souhaitait se séparer de son Premier ministre, afin de former un gouvernement à sa main pour la bataille présidentielle de 2012. Or il vient de se rallier à la frugalité prônée de longue date par François Fillon… qui le devance largement dans les sondages : quand Nicolas se hisse péniblement à 36 % de satisfaits, François en affiche 53 %. Peut-on se séparer d’un homme si populaire quand on est en délicatesse avec l’opinion publique ? Réponse au cours de l’automne.
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