Retour rue du Pacha

Grâce aux opérations de réhabilitation, la médina de Tunis est en train de retrouver son lustre d’antan. Et sa cote d’amour.

Entrée d’un hammam dans la rue la plus célèbre de la médina. © Nicolas Fauqué/Imagesdetunisie.com

Entrée d’un hammam dans la rue la plus célèbre de la médina. © Nicolas Fauqué/Imagesdetunisie.com

Publié le 11 septembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Boudée par ceux qu’elle a vu naître et par leurs enfants, la médina de Tunis a fait figure, pendant un demi-siècle, de vieille parente délaissée. Dès les années 1960, les familles bourgeoises lui avaient préféré le confort de nouveaux quartiers plus conformes à leur aspiration à la modernité. La médina s’est alors louée ou vendue, à bas prix, livrant demeures patriciennes et palais ottomans à des familles extérieures à la cité, ainsi que des commerces ou des ateliers. Conséquence de cette désaffection : la médina de Tunis, inscrite pourtant au patrimoine mondial de l’humanité, n’a pas été vraiment entretenue. Abandonnée, elle a souvent été pillée, voire dépecée, d’innombrables éléments architecturaux d’époque ayant été revendus aux propriétaires de nouvelles villas cossues cherchant à reproduire le fantasme d’un cadre de vie originel.

Plongée dans une semi-léthargie, la médina, qui en a vu d’autres en douze siècles d’existence, attendait son heure. Depuis mai 2010, la réhabilitation des façades et de la voirie, entreprise sous le contrôle de l’Association de sauvegarde de la médina de Tunis (ASM), a redonné tout son lustre au quartier de la célèbre rue du Pacha. Une opération séduction qui a rencontré un écho auprès de nombreux jeunes Tunisois en quête d’identité et de retour aux sources, et qui envisagent aujourd’hui d’y habiter.

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Un commerçant de la rue Tourbet el-Bey, où se trouve le mausolée de la dynastie ottomane husseinite, constate que « depuis trois ans la médina est à la mode et les prix flambent. Certains, dans le but de réaliser un investissement juteux, se précipitent pour acheter avant que la surenchère ne devienne prohibitive ; d’autres voient la possibilité de développer des projets touristiques, mais beaucoup veulent tout simplement renouer avec cet espace ». Depuis quelques années, les tables les plus savoureuses de la capitale, les galeries d’art et les multiples manifestations culturelles ont en effet réappris aux citadins le chemin des rues pavées et des venelles discrètes. De là à songer à y vivre, il n’y a qu’un pas, qui coûte au minimum 1 000 dinars (500 euros) le mètre carré, sans compter les restaurations et aménagements indispensables

Normes traditionnelles

Le principal problème de la médina est la vétusté de ses bâtiments : les maisons ont non seulement subi l’outrage du temps, mais aussi pâti d’un manque d’entretien qui a fragilisé leur structure. « Acheter dans la médina, il faut vraiment en avoir envie, déclare Slim, qui a acquis l’étage d’un vieux palais. Il y a d’abord les négociations avec les héritiers, car les propriétaires sont souvent décédés, puis les travaux, avec leur kyrielle d’autorisations et qui ne sont pas une sinécure quand il s’agit de respecter les normes traditionnelles. Mais le rêve est à ce prix ! »

L’approche de Sondos Belhassen, ballerine et comédienne, qui y réside depuis douze ans, est différente : « Vivre ici n’a rien d’exotique, nous y habitons comme d’autres occupent le centre historique de Rome ou de Prague. Les touristes ne sont que des visiteurs, alors que nous sommes, au quotidien, les usagers de la médina. Nous avons adapté notre mode de vie, nous nous déplaçons à pied ou à vélo et nous avons tout à proximité. Cependant, il reste beaucoup à faire, à commencer par une organisation efficace de la collecte des déchets, particulièrement ceux des ateliers, qui sont une vraie nuisance. Il faudrait également prévoir des parkings abordables afin que les ruelles ne soient plus des zones de stationnement. Améliorer les conditions de vie dans la médina est essentiel ; sans ses habitants, elle perdrait son âme. »

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Ce retour en grâce de la vieille ville arabe fait le bonheur de ceux qui ne l’ont jamais quittée, comme la famille Ben Saïd, aux yeux de laquelle cette valorisation est l’occasion de renouer avec un art de vivre citadin cher aux Tunisois.

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