Compaoré, la voie royale

Pas de surprise. Le président sera candidat à sa propre succession, le 21 novembre. La victoire semble acquise. La question est déjà de savoir si la Constitution sera modifiée pour lui permettre de se représenter dans cinq ans.

Le 21 août, au Palais des sports de Ouaga 2000. © Ahmed Ouoba/AFP

Le 21 août, au Palais des sports de Ouaga 2000. © Ahmed Ouoba/AFP

Publié le 6 septembre 2010 Lecture : 4 minutes.

« Franchement, ils avaient vraiment besoin de tout ça ? » Comme d’autres à Ouagadougou, Samuel reste sceptique, dans son taxi, devant le show proposé par la mouvance présidentielle le 21 août. Ce jour-là, au Palais des sports de Ouaga 2000, il y avait tout le gratin et bien plus encore – tous en tenue des grands soirs – pour assister à l’investiture officielle de Blaise Compaoré en tant que candidat à sa propre succession : les femmes, les jeunes, les anciens, les entrepreneurs et, bien sûr, les trois partis qui soutiennent le président (le Congrès pour la démocratie et le progrès, CDP ; l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain, ADF/RDA ; l’Alliance des partis et formations politiques de la mouvance présidentielle, AMP). Un « plein succès », selon le CDP, qui avait vu les choses en grand. « À croire que c’était l’événement de l’année ! » raille Samuel.

« Dans la rue, les gens se disent qu’une telle démonstration de force était inutile, et dans les campagnes, ils ont d’autres préoccupations », admet un cadre du CDP, le parti de Compaoré.

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Il faut dire que le résultat du prochain scrutin présidentiel, le 21 novembre, ne fait guère de doute. Le seul suspense réside dans le taux de participation et dans le score que réalisera Blaise Compaoré : fera-t-il mieux que les 80,3 % obtenus en 2005 ?

« L’élection est jouée d’avance », reconnaît-on dans les états-majors des partis. De Bénéwendé Sankara, le chef de file de l’opposition et président de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (Unir/PS), à Zéphirin Diabré, l’ancien conseiller du président et directeur Afrique et Moyen-Orient d’Areva, qui a fondé, en mars dernier, l’Union pour le progrès et le changement (UPC), aucun des candidats déclarés ou présumés n’espère vraiment l’emporter. « Il n’y a pas de suspense parce que nous sommes face à un parti-État », accuse Bénéwendé Sankara. « Le parti au pouvoir compte 90 % des députés, il contrôle l’administration, l’armée et l’économie. » Même les chefs traditionnels sont, globalement, dans le camp du président.

« Pas d’adversaire à sa mesure »

Dans les rangs du CDP, on rétorque que Compaoré n’a tout simplement « pas d’adversaire à sa mesure » parmi la petite dizaine de candidats déclarés. Même les plus farouches opposants en conviennent : « Il y a plus de 150 partis dans ce pays, et la société civile n’est pas structurée. L’alternance est impossible », se désole Alidou Ouédraogo, le leader du Collectif contre l’impunité.

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En attendant que le président-candidat­ dévoile son programme de campagne, ses partisans défendent son bilan avec enthousiasme. Outre l’éternel argument de « la stabilité » et de « la paix », ils mettent en avant les bons résultats économiques : une croissance supérieure à 3 % chaque année ; la relance de la production agricole ; le boom du secteur minier… Ils louent également les mesures sociales prises après les « émeutes de la faim » de 2008, la réforme administrative censée rationaliser les dépenses publiques, les investissements engagés pour construire des routes et des hôpitaux et la lutte contre la corruption. « C’est un grand chantier. On a énormément progressé depuis 2006 », assure Cyriaque Paré, le directeur de la communication du Premier ministre, Tertius Zongo.

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Depuis sa nomination en 2007, ce dernier a fait sa place. Selon un observateur indépendant, qui évoque un Premier ministre « relativement autonome », Zongo a réussi à s’imposer, malgré l’animosité d’un certain nombre de conseillers du président. « Avec Blaise, ils se sont partagé les tâches : à Zongo la gestion des affaires courantes, la réforme administrative, la lutte contre la corruption, etc. ; à Blaise l’action diplomatique et les médiations internationales en Côte d’Ivoire, en Guinée et avec Al-Qaïda au Maghreb islamique. »

Inopportun

À l’approche de l’élection, les critiques se font nombreuses. Selon l’opposition, la corruption est de plus en plus prégnante, la misère toujours omniprésente. « Dans l’accès des populations aux besoins de base comme l’éducation, la santé, l’alimentation, la situation ne s’améliore pas. Nous sommes réputés être le pays des hommes intègres, mais des épisodes montrent que cette patrie compte en son sein des hommes de moins en moins intègres », fustige Zéphirin Diabré. Du côté des forces sociales, on dénonce « un pouvoir d’achat qui dégringole depuis des années ».

Malgré tout, les attaques des opposants sont mesurées. « Nous n’avons pas une appréciation totalement négative de l’action du gouvernement. Ce régime, comme les précédents, mène des actions positives », convient Diabré. Sankara évoque pour sa part des avancées, et notamment « la diplomatie active » du président. On a vu opposition plus virulente.

Comme un symbole de l’absence de suspense pour cette élection, la vraie question qui fâche renvoie… à 2015. Début août, le CDP s’est prononcé en faveur de la levée de la limitation du nombre des mandats présidentiels – une modification de la Constitution qui permettrait à Compaoré, 59 ans, de se présenter ad vitam æternam. L’hypothèse inquiète l’opposition et ne fait pas l’unanimité au sein même de la mouvance présidentielle. « Si Blaise reste après 2015, on peut s’attendre à une explosion sociale », affirme un cadre du CDP. « La question a été abordée bien trop tôt », estime un ancien ministre : « On n’a même pas passé ce scrutin qu’on parle du suivant ! C’est inopportun. Déjà qu’il y a peu d’inscrits sur les listes [3,3 millions d’électeurs pour une population totale de 15,2 millions d’habitants, NDLR], ce n’est pas comme ça que nous convaincrons les gens d’aller voter. »

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