« Chinafrique » : les limites de la solidarité

Professeur de sciences politiques, universités de Kinshasa et de Lubumbashi, RD Congo

Publié le 1 septembre 2010 Lecture : 2 minutes.

Fin 2009, des professeurs venus de onze pays d’Afrique francophone se sont retrouvés à Pékin à l’occasion d’un séminaire organisé à l’Institut chinois de diplomatie. Ils ont également été reçus à l’Institut d’études africaines de la Zhejiang Normal University. L’occasion de mieux comprendre ce que pensent les intellectuels chinois de la coopération sino-africaine.

L’Institut chinois d’études africaines venait de publier des analyses sur la question, et les approches étaient diverses. Certains auteurs proposaient de trouver de nouvelles grilles de lecture des relations spéciales qui unissent la Chine et l’Afrique. D’autres exprimaient leur crainte de voir la démarche chinoise ressembler à celle traditionnellement suivie en Europe et, d’une manière plus générale, par les Occidentaux.

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C’est précisément ce qui a intéressé les professeurs africains. Ils ont aussi cherché à comprendre en quoi le discours des universitaires chinois était différent de celui tenu par leurs hommes politiques. Car si les politiques revendiquent depuis longtemps une solidarité anticoloniale et anti-impérialiste, les intellectuels n’ignorent pas que les pratiques de la Chine moderne, celle de l’ouverture, s’éloignent parfois de cet idéal maoïste.

L’Afrique, alliée et partenaire de la Chine, est un terrain de compétition économique et commerciale, un enjeu à gagner à moindres coûts et à moindres risques. Mais l’approche de coopération bilatérale, pays par pays, est-elle compatible avec l’idéal d’un partenariat gagnant-gagnant ? Peut-elle s’accommoder de la diversité des réalités africaines ? Autrement dit, au-delà de cette amitié revendiquée et même mythifiée, où se situe l’intérêt stratégique de Pékin ? Le fait que la Chine soit aujourd’hui une puissance industrielle – et non plus seulement agricole – ne va-t-il pas modifier les relations qu’elle entretient avec l’Afrique, l’Asie ou l’Amérique latine ? La Chine a-t-elle vraiment la volonté d’entraîner l’Afrique dans le sillage de sa croissance et de sa prospérité, et de renouveler, face aux pays du G20, l’élan des non-alignés ?

Mais le continent s’est pour l’instant montré incapable d’exploiter le potentiel de ce rééquilibrage des relations internationales. La Chine, elle, est contrainte au pragmatisme et au réalisme commercial. Elle est obligée, au nom d’une harmonie planétaire que sa diplomatie préfère au jeu du rapport de force, de respecter les prés carrés de l’Occident en Afrique. Reste à voir si elle saura profiter des erreurs commises par l’administration américaine en Afrique – une administration bien peu imaginative, même lorsqu’elle est dirigée par un Afro-Américain. Une coopération sino-africaine réellement productive passe par une vision géopolitique que la Chine hésite malheureusement à manifester. L’Afrique elle-même devrait envisager de se repositionner sur la scène internationale, en réinventant ses structures régionales.

Une coopération gagnant-gagnant suppose de concevoir un nouveau type de partenariat, qui s’appuierait sur des zones économiques de développement, elles-mêmes adossées aux communautés économiques d’intégration régionale. Mais l’Afrique a perdu ceux de ses idéologues qui étaient proches de Pékin, et la Chine se déploie sur le continent par le biais de ses multinationales dont le fonctionnement capitalistique ignore la solidarité. La non-conditionnalité de l’aide chinoise est une chose. Mais il faut aussi insister sur le transfert de technologies. C’est sur ce point que l’Afrique attend la Chine.

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