Souleymane Mboup, un Monsieur Sida à Dakar

À la tête d’une équipe de 100 scientifiques, le codécouvreur du VIH-2 jouit d’une renommée internationale. Dans son laboratoire, il travaille sans relâche à la lutte contre la pandémie.

Le Pr. Mboup enseigne à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. © NENDIENA POUR J.A.

Le Pr. Mboup enseigne à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. © NENDIENA POUR J.A.

cecile sow

Publié le 3 septembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Santé : l’Afrique au banc d’essai
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Santé : l’Afrique au banc d’essai

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Il compte parmi les chercheurs les plus connus à travers le monde. Le professeur Souleymane Mboup doit sa notoriété à une découverte faite en 1985. Cette année-là, alors que ses pairs américains et européens étudient sans relâche dans des laboratoires très sophistiqués le virus du sida (VIH), découvert quelques années auparavant, à Dakar, le scientifique sénégalais, seul entre les quatre murs d’un petit local sous-équipé du centre hospitalier universitaire Aristide-Le-­Dantec, observe consciencieusement des prélèvements provenant de prostituées atteintes d’infections sexuellement transmissibles. À 34 ans, il identifie ainsi un virus du sida différent de celui connu jusqu’alors. C’est le VIH-2.

Vingt-cinq ans plus tard, il se souvient en toute modestie de ces instants qui ont changé sa vie. « Cette découverte m’a été attribuée et j’en suis fier, mais elle est le fruit de ma collaboration avec d’autres chercheurs, dont le Français Francis Barin, qui, le premier, a pris connaissance de mes recherches avant de les approfondir avec des spécialistes américains, alors mieux équipés. Ce sont eux qui m’ont ensuite demandé de venir aux États-Unis avec des échantillons. Le VIH-2 est donc une codécouverte », explique Mboup, ajoutant, amusé, qu’il avait emballé les précieux prélèvements dans… du papier cadeau. « Quand les douaniers m’ont demandé de quoi il s’agissait, j’ai répondu dans un anglais hésitant : “It’s a gift” [“c’est un cadeau”, NDLR]. » La suite est connue.

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Soutien financier et politique

L’existence du VIH-2, proche d’un virus trouvé sur des singes, est confirmée. Et la vie du pharmacien militaire (il est colonel de l’armée sénégalaise) passionné de recherche s’en trouve bouleversée. Il devient une personne ressource faisant l’objet de toutes les attentions. Il multiplie voyages d’études et conférences, et rédige parallèlement nombre d’ouvrages scientifiques.

À la suite de la découverte du VIH-2, il obtient le soutien de Max Essex, de l’université Harvard, considéré à l’époque, avec Robert Gallo et Luc Montagnier, comme l’un des plus grands spécialistes du sida. Grâce à Essex, Souleymane Mboup obtient une aide financière qui lui permet d’équiper son laboratoire et de recruter du personnel.

Alors qu’il était seul à ses débuts, il travaille aujourd’hui avec 100 scientifiques dont il a assuré la formation. Et dit recevoir un « soutien politique de l’État, qui prend très au sérieux [son] travail et [lui] facilite beaucoup de choses, au niveau administratif par exemple ». Néanmoins, les fonds nécessaires au fonctionnement du laboratoire proviennent essentiellement de l’étranger. Ils sont de l’ordre de plusieurs milliards de francs CFA, déclare Mboup sans plus de précisions.

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Un passionné

Depuis ses débuts en 1978, le chercheur a réalisé près de 300 études sur des sujets allant de la méningite au sida, évidemment, en passant par l’hépatite B et les salmonelles. « J’ai toujours été passionné par mon métier. Au fil des ans, j’ai pris pleinement conscience de son importance », dit ce quinquagénaire heureux d’avoir aussi contribué à l’élaboration d’un programme national de lutte contre le sida.

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Depuis 2004, l’accès aux antirétroviraux est gratuit pour plus de 12 000 malades au Sénégal. « À ce jour, notre pays a l’un des taux de prévalence du sida les plus faibles du continent. Grâce à une politique de prévention lancée peu après la découverte du VIH-2, nous l’avons maintenu autour de 0,7 %. »

Depuis quelques années, Mboup et son équipe planchent sur la diversité génétique du VIH, devenu très complexe. L’étude de ces « recombinaisons » est importante pour la recherche sur les vaccins, lesquels doivent être efficaces sur les différentes souches existantes. Il a ainsi largement de quoi occuper ses journées, devenues trop courtes depuis un certain jour de 1985.

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