Hôpitaux : un business lucratif
L’Afrique a besoin d’au moins 550 000 lits supplémentaires d’ici à dix ans. Un marché porteur financé par des bailleurs ou sur les fonds propres des États.
Santé : l’Afrique au banc d’essai
Qui construit, équipe, et, surtout, paie les hôpitaux en Afrique ? Le sujet est d’une importance fondamentale sur un continent où le déficit des infrastructures de santé est criant. Mais à 40 millions d’euros l’hôpital moderne « clés en main » de 200 lits, les États ne peuvent bien souvent pas être les seuls financeurs.
Les bailleurs de fonds internationaux mettent ainsi plus souvent la main à la poche. Union européenne – via le Fonds européen de développement –, Banque mondiale, Banque islamique de développement, Banque africaine de développement… À travers des dons ou des prêts, ils interviennent auprès des États, souvent dans le cadre de partenariats avec des structures de type Agence d’exécution des travaux d’intérêt public (Agetip), qui ont essaimé à la faveur des programmes d’ajustement structurel dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne francophone.
Quelque peu en retrait, les bailleurs de fonds bilatéraux (France, Espagne, Italie, Belgique, Canada) continuent de financer des projets d’infrastructures ou d’équipements dans le domaine de la santé. À travers l’Eximbank, la Chine déploie ces dernières années un activisme assez impressionnant. Le privé intervient aussi, et quelques multinationales, notamment pétrolières, investissent aussi dans la construction d’hôpitaux au nom du concept de « responsabilité sociale ».
Un gros appel d’offres par an
Cependant, un certain nombre d’États africains trouvent, ces dernières années, le moyen de financer leurs projets sanitaires sur fonds propres ou par des financements à moyen terme auprès de banques occidentales rassurées par des couvertures officielles. Il s’agit en général d’États pétroliers comme la Guinée équatoriale et l’Angola.
Les fonds désormais disponibles dans un certain nombre de pays dans le cadre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) pourraient également relancer les grands investissements publics en matière de structures hospitalières. « Par exemple, le Burundi a décidé de financer des centres de santé ruraux partout dans le pays… sur fonds propres ! », fait remarquer Benoît Kanyandekwe, architecte et consultant auprès de gouvernements africains dans le cadre de la construction d’hôpitaux.
Le marché est porteur : selon la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale), l’Afrique aurait besoin de créer, d’ici à dix ans, entre 550 000 et 650 000 nouveaux lits d’hôpitaux. « Chaque année, il n’y a pas plus d’un gros appel d’offres international portant sur l’équipement ou la construction d’un grand hôpital. Les projets de taille plus modeste sont plus nombreux », explique un acteur du secteur.
Manque de rigueur
Construire, équiper ou renouveler un hôpital moderne nécessite de nombreuses compétences techniques. Il faut des architectes et des designers, des spécialistes du bâtiment et des travaux publics, des experts en électromécanique, du personnel chargé de la maintenance et du transfert de technologies… Pour rapprocher tous ces métiers, le marché fait appel à des ensembliers hospitaliers, comme la Société française d’équipement hospitalier (SFEH) et l’espagnol IECSA.
Le premier a par exemple construit, équipé et livré « clés en main » un hôpital moderne à N’Djamena, en avril 2009. Le second a fourni les hôpitaux de Bata, Mongomo et Ebebiyin, en Guinée équatoriale. Ces dernières années, l’espagnol Makiber a de son côté livré des hôpitaux « clés en main » en Angola, mais aussi équipé des centres de santé et formé les employés au Cameroun. L’ensemblier néerlandais Simed International a construit et réhabilité des structures hospitalières dans des pays aussi divers que la Zambie, l’Érythrée ou la RD Congo.
Quelques ratés témoignent encore d’un certain nombre de difficultés dans le secteur de l’ingénierie hospitalière. En juillet dernier, des fissures profondes dans les murs des services de pédiatrie et de gynécologie de l’hôpital général de Luanda, construit par le chinois China Overseas Engineering Group Company (Covec), ont poussé les autorités à évacuer 150 patients et à s’interroger publiquement sur la dégradation aussi rapide d’un édifice qui a coûté 8 millions de dollars (environ 6 millions d’euros).
« La rigueur et le contrôle au niveau de la maîtrise d’ouvrage manquent. Il y a pourtant le Bureau national d’études techniques et de développement [BNETD, ivoirien mais intervenant dans de nombreux pays africains, NDLR] qui garantit aux États la qualité de la réalisation, en tant qu’assistants maîtres d’ouvrage et contrôleurs. Et puis il y a un certain nombre de gens incompétents qui ne sont pas contrôlés et qui salissent l’industrie », tonne un professionnel du secteur qui souhaite garder l’anonymat.
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