Santé : la culture du résultat, panacée des bailleurs de fonds
Après des décennies d’investissements produisant peu ou pas d’effets, les structures internationales ont adopté une stratégie ciblée, fondée sur les besoins du terrain et des objectifs quantifiés. Et ça marche.
Santé : l’Afrique au banc d’essai
La petite révolution a été initiée au début des années 2000. Est-ce dû à l’arrivée de personnalités comme Bill Gates et Bill Clinton aux commandes d’instruments financiers puissants ? Ou au terrible constat d’échec après des années de financements, dont deux rapports publiés en 2010 témoignent avec force ?
Le premier, « Aid without impact », financé par la Fondation Bill & Melinda Gates, a évalué les programmes sectoriels de la Banque mondiale (BM) entre 2001 et 2008. Résultat : laisser le service public gérer les fonds de la BM a été un échec. En outre, alors que l’Afrique recense 40 % des décès mondiaux de tuberculose, moins de 1 % des fonds affectés à la santé par la BM concerne cette pathologie, pourtant priorité affichée de la Banque. Et sur 15 projets étudiés, seuls 3 incluaient des indicateurs de progrès dans le diagnostic et le traitement de la tuberculose.
Modifier le mode d’action
Le second rapport a mis en exergue la politique inadéquate du programme Stratégie accélérée pour la survie et le développement de l’enfant (SASDE), mené entre 2001 et 2005 pour 18,6 millions d’euros, et financé par l’Unicef et le gouvernement canadien (bailleur principal). Manque de personnel formé, priorités du terrain ignorées…
L’étude a révélé que de meilleurs résultats avaient été atteints dans les zones non couvertes par le SDAE. L’Unicef a immédiatement annoncé modifier son mode d’action. Et d’autres bailleurs lui ont emboîté le pas. De fait, les financements à la santé répondent désormais à des objectifs quantifiés et à des obligations de résultats. Ils sont gérés comme des investissements entrepreneuriaux.
Fers de lance de cette nouvelle politique, les organismes privés : Bill et Melinda Gates, ou la Fondation Bill Clinton en partenariat avec Unitaid, ont pris le parti de s’adapter aux réalités du terrain, tout en attendant de ce terrain une réponse professionnelle. Et les résultats sont probants. Exemple avec l’une des premières dotations majeures de la Fondation Gates (environ 38 millions d’euros), destinée au Botswana.
Dans ce pays ravagé par le sida, un partenariat public-privé entre le gouvernement et le groupe pharmaceutique Merck a été instauré, et le Partenariat africain global contre le VIH/sida (Achap) a été géré comme une entreprise : élaboration des objectifs avec toutes les parties prenantes en fonction d’un diagnostic émanant du terrain, recrutement de personnels compétents dûment payés, investissement concret des politiques, auditeurs dépêchés sur place pour évaluer le bon usage des fonds. Au Botswana, le taux de prévalence chez les adultes est passé de 37 % en 2002 à 24 % aujourd’hui. Les bailleurs publics n’avaient plus qu’à prendre exemple.
La banque mondiale s’y met
En 2002, à l’initiative de Kofi Annan – alors à la tête des Nations unies – et du G8, a été créé le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, trois pandémies tuant 15 000 personnes par jour. Les projets sont soumis à un conseil scientifique, les enveloppes sont distribuées par tranches, et lorsque les objectifs fixés ne sont pas atteints, le financement est suspendu jusqu’à ce qu’un audit indépendant garantisse à nouveau l’efficience.
Michel Kazatchkine, son directeur, rappelle ainsi que « la tolérance zéro s’applique. Récemment, le Mali a vu son aide suspendue, après un détournement constaté en novembre 2009 ».
L’exemple de la lutte contre le paludisme est des plus flagrants : alors que cette maladie tuait de 1 million à 2 millions de personnes par an, le financement ciblé a permis de réduire les décès liés à la maladie de moitié en trois ans en Éthiopie, de deux tiers en Zambie, et 65 % des foyers nigériens sont équipés de moustiquaires imprégnées.
Ces résultats encourageants ont poussé la BM à adopter une démarche équivalente. Depuis 2005, son engagement est guidé par le Plan d’action pour l’Afrique (PAA), actuellement en cours de révision. Objet d’une large consultation, cette redéfinition vise à modifier la conception et la mise en œuvre des opérations, décentraliser le personnel… Avec pour objectif de déterminer comment répondre efficacement aux impératifs du continent, et produire la version 2.0 de l’aide au développement.
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