Cotonou menacé par les eaux
La capitale économique est prise entre de récurrentes inondations et l’avancée inexorable de l’océan. Libèrer Cotonou de ces menaces passe par la construction de nouvelles infrastructures, mais aussi par un effort collectif de salubrité.
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Les choses sont finalement assez simples à Cotonou. Au sud, l’océan avance inexorablement. Au nord, la lagune et le lac Nokoué débordent dès que les pluies tombent. Au milieu, une bande de sable et d’alluvions de 79 km2 sur laquelle s’entassent plus de 1 million de personnes, contre 100 000 habitants en 1960. « Cotonou est fragile. Un tiers de l’agglomération se trouve sur des zones marécageuses. Bon nombre de quartiers ont poussé de façon anarchique, dès les années 1970, et sont situés en dessous du niveau de la mer », explique Marc Didier Dubogan, de la direction des services techniques de la mairie de Cotonou.
Sur son deux-roues, Loïka enrage. Des trombes d’eau se sont abattues la veille sur son quartier d’Agla et l’ont bloquée une journée entière avec ses deux enfants. « Il y a eu trop de constructions et, depuis trois ans, la situation ne fait qu’empirer », déplore cette jeune secrétaire de 32 ans, avouant au passage qu’elle se débarrasse de ses eaux usées dans la rue… Puisqu’il n’y a pas de réseau d’assainissement, les Cotonois vont au plus simple. Le long des grandes artères, les canalisations censées évacuer les eaux de pluie sont régulièrement bouchées par des détritus et autres déchets domestiques.
À terme, des dizaines de kilomètres de canaux collecteurs doivent être construits.
© Valentin Salako pour J.A.
Nécessité d’un effort collectif de salubrité
Cette pollution contribue par ailleurs à la prolifération des jacinthes d’eau dans les biefs qui devaient initialement acheminer les eaux pluviales vers la lagune. « Face à un tel cercle vicieux, il faut sensibiliser la population et investir », explique le premier adjoint au maire, Léhady Soglo.
Pour le ramassage des déchets, un système de collecte a été mis en place, mais la cotisation de 1 500 F CFA (près de 2,30 euros) par mois constitue encore un frein pour les plus démunis et une excuse pour les autres, pas franchement convaincus par cet effort collectif de salubrité.
À Fidjrossè, la coiffeuse Valentine a vu son salon inondé pendant trois jours. Les zémidjans (motos-taxis) font du gymkhana devant chez elle pour ne pas noyer leur petite cylindrée, les enfants rebouchent les trous d’eau avec de la terre contre quelques pièces lancées par les automobilistes… Valentine se désole, mais le monticule de poubelles à quelques mètres de son entrée est bien le sien.
« Nous continuerons à travailler avec la population et les bons réflexes finiront bien par s’imposer », explique Marc Didier Dubogan, qui met l’accent auprès de ses équipes sur le curage des caniveaux et l’entretien des tranchées.
« Cela coûte de l’argent, et le budget de la ville ne dépasse pas les 10 milliards de F CFA [15,2 millions d’euros, NDLR]. Il nous est donc impossible de financer les infrastructures nécessaires », explique Léhady Soglo.
L’État béninois et les bailleurs de fonds (Banque mondiale, Agence française de développement, Coopération des Pays-Bas…) ont donc mis la main à la poche. À terme, des dizaines de kilomètres de canaux collecteurs et de nombreux bassins de rétention doivent être construits, qui pourraient bien transformer l’agglomération en une Venise africaine. Ce chantier colossal se chiffre à plus de 300 milliards de F CFA. Dans l’immédiat, la ville a acheté des engins (pelle amphibie, niveleuses…) pour, au moins, entretenir les installations existantes.
La mer contrariée
Plus onéreux encore : la lutte contre un élément déchaîné, l’océan. Surtout lorsque l’homme l’a contrarié. De l’autre côté de l’étroit chenal qui rejoint la lagune, en direction de Porto-Novo, Cotonou s’est étendu : quartiers résidentiels, zones industrielles, belles villas avec vue imprenable sur la plage parsemée de cocotiers… Mais ici, la mer gagne par endroits plus de 2 mètres par an ! Tout le monde connaît l’énergie vaine d’Urbain Karim da Silva pour sauver son hôtel Eldorado. Mais il n’est pas le seul à assister, impuissant, à l’inexorable avancée de l’océan. « Toute cette zone est menacée et un deuxième chenal pourrait bien traverser ces quartiers de part en part », craint Marc Didier Dubogan.
L’océan gagne par endroits plus de 2 m par an et, le long de la plage, ronge les villes.
© Valentin Salako pour J.A.
Si le discours officiel préfère accuser le réchauffement climatique et la montée du niveau de la mer, Cotonou est plus vraisemblablement victime de son port construit en plein cœur de la ville. La jetée édifiée dans les années 1960 a profondément modifié les courants maritimes. À l’ouest, le sable s’est entreposé et a permis de rogner sur la mer. Mais à l’est, le déferlement des vagues et la force du courant ont produit leurs effets dévastateurs.
La construction d’une nouvelle digue est envisagée, mais le coût dépasse les 70 milliards de F CFA. « En fait, nous sommes victimes du port, mais le pays ne peut plus s’en passer », conclut Marc Didier Dubogan. Le port de Cotonou apporte 45 % des revenus de l’État. La capitale économique béninoise va devoir choisir : persévérer sur la voix de la croissance ou bien admettre ses limites physiques et naturelles.
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